Alma Salem: "Je veux montrer la Syrie à travers le regard de ses artistes"

Sophie Soukias
17/04/2018

La galerie Ravenstein accueille pendant dix jours le Tourab - Syria Art Space, un festival multidisciplinaire imaginé par la curatrice Alma Salem afin d’interroger, et peut-être même modifier, le destin de la Syrie par le biais de ses artistes.

Alors que l’Occident et la Russie s’opposent dans un véritable bras de fer, que la mission chargée d’enquêter sur l’attaque chimique soupçonnée de la Douma est au point zéro faute de coopération des coupables présumés et que l’EU s’apprête à tenir à Bruxelles une seconde conférence sur le « Soutien au futur de la Syrie et à sa région », la curatrice indépendante d’origine syrienne Alma Salem en appelle à « amener une valeur culturelle et artistique à la discussion ».

Tourab

Pour ce faire, elle a imaginé un festival de dix jours baptisé Tourab (« la terre » en arabe ) - Syria Art Space en collaboration avec le Goethe Institut, réunissant une soixantaine de grands noms de la scène contemporaine syrienne indépendante, très majoritairement en exil. « Nous souhaitons montrer un visage non pas ‘différent’ mais ‘particulier’ de la Syrie à travers ses artistes. Les artistes sont les plantes qui produisent l’oxygène, ils tissent des liens au sein de la société et amènent l’harmonie », explique la curatrice qui a d’abord travaillé au sein de l’Institut français du Proche Orient en Syrie, ensuite comme conseillère pour le British Council à Londres avant de s’installer à son compte.

Alma Salem est aussi la tête pensante derrière le concept innovateur du "Syria Sixth Space", une plateforme virtuelle indépendante destinée à donner une visibilité aux artistes syriens tout en abolissant le principe des frontières physiques et politiques.

Mireilla Younes

Mireilla Younes

Profitant de la position stratégique de la galerie Ravenstein, Alma Salem interpelle les instances de pouvoir, la communauté culturelle et les passants avec une exposition réunissant des œuvres d’artistes plasticiens de renom travaillant sur le conflit syrien, des performances et des projections destinées à provoquer un débat salutaire encadré par une série de visites guidées, workshops, tables rondes et conférences. « Nous posons la question de savoir comment engager un récit culturel où les artistes seraient en première ligne pour demander la dignité et le changement politique. Comment, dans un second temps, intégrer ce débat à celui sur les énergies alternatives, l’économie de savoir et l’innovation face aux grandes stratégies horrifiantes qui attendent la Syrie et sa reconstruction ? ».

« Les médias parlent du nombre de morts, les artistes essaient de trouver des histoires derrière ces chiffres »

Alma Salem

Le Tourab - Syria Art Space a également pour vocation d’offrir au spectateur des imaginaires et récits alternatifs à ceux qui envahissent chaque jour les médias et les réseaux sociaux afin de « renouer avec l’opinion publique internationale ». « Les images d’une extrême violence ont créé une forme de blocage », déplore Alma Salem. « Les médias parlent du nombre de morts, les artistes essaient de trouver des histoires derrière ces chiffres. Je pense que le défi artistique est de promouvoir la culture de vie pour susciter l’empathie, montrer que ces personnes décédées et dont les corps ont été déchirés avaient une vie avant ».

Mohamad Omran

Mohamad Omran

Le festival s’ouvre avec Dust (Tourab), une performance d’Eyas Al Mokdad, cinéaste (Bloodshed, The Other Half of Your Shadow), chorégraphe et danseur syrien installé à Bruxelles qui a fait de l’expérimentation sa méthode de travail. L’exposition compte, elle aussi, des noms incontournables tels que Khaled Barakeh, le photographe, plasticien et homme de théâtre révélé à travers des clichés choquants d'enfants morts noyés alors qu'ils tentaient de fuir leur pays en guerre, Khalil Younes dont les œuvres, régulièrement exposées dans les galeries et musées européens, font écho aux peintures de Goya ou encore Sulafa Hijazi, première réalisatrice de films d’animation en Syrie dont les illustrations et les images animées expriment sans tabou la violence endurée par le peuple syrien.

La conférence intitulée Syrie : renouveau, créativité et résilience accueille parmi ses intervenants le grand réalisateur syrien Ossama Mohammed (Eau Argentée) dont le court-métrage Step by Step: Khutwa Khutwa fera l’objet d’une projection. Le festival déborde du périmètre de la galerie Ravenstein avec la projection au Palace du documentaire abondement primé Taste of Cement du réalisateur syrien Ziad Kalthoum ainsi qu’une soirée littéraire, animée par Alma Salem en personne, en compagnie de l’écrivain en temps de guerre Khaled Khalifa, l’un des rares à ne pas avoir quitté son pays.

« Nous posons la question de savoir comment engager un récit culturel où les artistes seraient en première ligne pour demander la dignité et le changement politique »

Alma Salem

Tourab - Syria Art Space s'annonce comme un concentré artistique intense permettant de prendre la mesure du bouillonnement de la scène contemporaine syrienne, inspirée dans et malgré la douleur, véritable lueur d’espoir dans un tourbillon noir et insoutenable. « Nous, artistes, communauté désespérée et vulnérable, cherchons à ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde ».

> Tourab - Syria Art Space, 17 > 27/4, Galerie Ravenstein, Bozar, Cinéma Palace, www.goethe.de/bruessel

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