Exposer de l'art urbain dans des galeries d'art n'a jamais été une riche idée. Dans notre capitale aussi, il a fallu qu'un galeriste monte son Banksy. The Brussels Show pour que l'indignation atteigne son paroxysme.
'Banksy. The Brussels Show': une vache à lait nommée street art
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La question est de savoir si le galeriste Deodato Salafia est à blâmer. Oui, il n'est pas de très bon goût d'un point de vue éthique d'exposer le travail d'un artiste sans sa permission, surtout s'il se présente comme un anticapitaliste féroce, comme Banksy. Mais regardez autour de vous. Dans une société où tout et tous, même nos enfants, sont classés en termes de valeur (ajoutée) ou d'arriéré économique, cela n'a rien de surprenant. Dès le plus jeune âge, on nous apprend qu'il est de bon ton de vendre quelque chose à profit. Nous le faisons avec nos maisons et aussi, de plus en plus, avec "notre" art.
Alors, si cet homme d'affaires italien, qui a déjà quelques galeries à son actif, tenait à faire son entrée en grande pompe dans la capitale européenne, il a bien réussi avec Banksy. The Brussels Show. Ce nom paraît grotesque pour une exposition, mais il a suscité une attention médiatique immédiate et, pour une visite physique, il faut s'inscrire sur une liste d'attente.
L’artiste insiste : « Veuillez ne pas utiliser les images de Banksy à des fins commerciales »
Il est rare de voir la presse nationale s'en prendre à un galeriste, et ce particulièrement pour une petite expo de sérigraphies qui n'est même pas une exposition officielle de Banksy. Puisque l'artiste britannique controversé, qui n'a toujours pas révélé son identité, n'organise que des expositions lui-même.
Mais les œuvres sont authentiques, se défend M. Salafia partout. Ce qui est également confirmé par PEST Control, la seule autorité reconnue par l'artiste lui-même. Vous pouvez donc les acheter chez Deodato Art avec un certificat, du moins si vous êtes prêt à payer quelques dizaines de milliers d'euros pour les acquérir. Il affirme lui-même les avoir achetées à des marchands d'art londoniens.
Par dégoût du marché
Le triptyque encadré de l'emblématique lanceur de fleurs, qui est apparu pour la première fois sur un mur de Bethléem, a été mis en vente pour 870 euros sur Gross Domestic Product, la boutique en ligne officielle de Banksy. Le street-artist a délibérément maintenu le prix très bas par dégoût pour le marché de l'art. M. Salafia demande un prix beaucoup plus élevé."Si les musées paient une fortune pour ces œuvres, pourquoi ne demanderais-je pas une fortune ?" rétorque-t-il dans le journal De Tijd. Peut-être parce que l'artiste insiste, via le site web de PEST Control : "Veuillez ne pas utiliser les images de Banksy à des fins commerciales" ? Peut-être parce que l'on est conscient que l'art urbain est apparu autrefois comme une forme d'expression accessible aux masses ? Souvent anonyme, controversé et à la limite de la légalité, mais visible et accessible à tous, quels que soient l'âge, l'origine ou la classe sociale. Le punk de l'art, quoi. Mais tout comme le punk a été récupéré, il semble que ce soit maintenant le tour du street art.
L’underground bruxellois aime le street art et ne veut pas trahir ses origines
Combat de rue
La différence avec certains musiciens 'punk' - souvent des pseudo-révolutionnaires qui vendraient leurs déclarations anti-establishment au plus offrant – est que Banksy est sérieux. Son combat de rue contre le capitalisme est plus authentique que les sérigraphies accrochées sur un mur blanc chez Deodato Art. Avec son iconographie contestataire – contre le consumérisme, les violences policières, le refoulement des réfugiés, le fanatisme religieux, ... – il ne se contente pas de défendre en paroles les victimes des abus qu'il dénonce, mais aussi en actes et en monnaie sonnante et trébuchante.
L'année dernière, il a financé un bateau pour secourir des réfugiés en mer Méditerranée. Les bénéfices du 'Game Changer', qui a récemment été vendu aux enchères chez Christie's pour un montant record de 19,45 millions d'euros, seront versés au service de santé britannique NHS. La raison en est simple : lors du premier confinement, il a peint cette image, qui représente une infirmière comme une super-héroïne, sur le mur d'un hôpital de Southampton pour encourager le personnel soignant.
M. Salafia a peut-être sous-estimé la réaction de la scène locale du street art, qui a fulminé contre l'exposition la semaine passée. Bruxelles n'est pas Milan, Lucerne ou Porto Cervo, où ses autres galeries baignent dans une atmosphère jet-set. L'underground bruxellois aime le street art et ne veut pas trahir ses origines. En des termes moins crus que ceux de Banksy, ses représentants déconseillent de visiter l'exposition.