Pour le projet Borderline, le photographe Paul D’Haese a arpenté la côte du nord de la France pour en ramener des clichés d’une grande justesse formelle qui captent toute la poésie diffuse de ces non-lieux qui ont pris possession du paysage.
| Paul D’Haese : Borderline
Quand on y réfléchit, la plupart des frontières sont invisibles. Et ce sont celles que l'on franchit sans s'en rendre compte. Comme Paul D'Haese qui a arpenté en auto, à vélo et à pied, 350 kilomètres de côte dans le nord de la France, entre Bray-Dunes et Le Havre. Il s'est promené dans des paysages reconfigurés par des constructions parfois hasardeuses du génie humain sur des terres balayées par les traces du passé avec les vestiges du mur de l'Atlantique et celles plus fragiles du passage tout récent des migrants.
Pourtant dans le regard du photographe, aucune visée documentariste, aucun élément qui permet de localiser les prises de vue. Dans sa promenade, il nous emmène dans un monde en suspension, vidé de toute présence humaine, comme toujours debout après un cataclysme ou une pandémie. La seule silhouette humaine qu'il a captée est celle d'un plongeur encaparaçonné dans sa combinaison qui le fait ressembler davantage à une statue qu'à votre voisin de palier.
Sa promenade est une ode à la beauté du banal. On y voit des murs aveugles, des volets baissés comme les paupières d'un dormeur et l'arrière-cour des choses. Rien n'est jamais complètement banal car derrière le regard très formel que le photographe cadre sur le paysage, le hasard surréaliste n'est jamais très loin comme dans ce bateau posé sur l'herbe ou ce tunnel envahi par le sable. La présence opalescente et laiteuse du ciel rend souvent dérisoire l'occupation du paysage par l'homme.
Dans un de ses précédents projets, toujours en cours, Paul D'Haese compose une ville imaginaire à partir d'images prises aux quatre coins de la Belgique. Ici aussi, il compose avec ses 170 clichés une côte imaginaire qu'il a pris soin de présenter sans souci de chronologie, ni de géographie. Ce qui l'intéresse sont les incidences de formes, de volumes architecturaux ou de couleurs entre deux images. La plupart des tirages sont de petite taille, car le photographe souhaitait intégrer l'ensemble des images qu'il a accrochées, bout à bout, à hauteur d'homme comme un regard qui balaie le paysage en cours de promenade.
S'il a voulu monter toutes ces images, c'est parce qu'elles se répondent toutes et qu'il en prend peu. Parfois, il peut passer une journée sans prendre le moindre cliché. Ainsi, l'image de cet arrière de maison et de ce mur blanc comme passés au tipex, ne le satisfaisait pas complètement dans sa première version. Il a alors attendu 12 mois pour revenir dans l'espoir exaucé de retrouver les mêmes conditions de luminosité météorologique. Chez Contretype (> 8/11), Paul D'Haese présente son autre projet, Winks of Tangency où il poursuit son exploration de l'envers du décor de nos paysages urbains et péri-urbains, faits de non lieux où le regard ne peut que rêver à la "vraie vie" qui semble avoir déserté ces écrins vides.
PAUL D’HAESE: BORDERLINE
> 24/10, Hangar, www.hangar.art
Read more about: Expo , Paul D’Haese , Borderline , Hangar , Photography
Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.