La galerie E2 vous embarque dans l’univers des Paños, ces petits carrés de coton dessinés que les prisonniers chicanos envoient à leurs proches. Leurs œuvres sont complétées par celles de jeunes artistes belges qui se sont emparés de ces supports.
La galerie E2 vous embarque dans l’univers des paños
« Pour moi, c’est une exposition politique », avance Reno Leplat-Torti. « J’ai envie de faire changer le regard du public sur ces hommes enfermés. Je ne me préoccupe pas des raisons qui les ont conduits en prison. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ils dessinent. » Ce qu’on voit ce sont des dizaines de carrés de coton débordant d’images, souvent dessinées au bic, où les grosses voitures se mêlent aux divinités aztèques et à l’imagerie catholique.
On y trouve aussi des pin-up, des scènes de violence, et des images symboliques ou cryptées comme des masques de clown et des boules de billard. Le rendu est proche de l’iconographie du tatouage. Il faut dire que beaucoup de ces détenus enfermés dans les prisons du sud-ouest des États-Unis n’avaient jamais dessiné avant. Ils ont vu dans ce passe-temps minutieux une échelle de secours vers un monde extérieur idéalisé, lieu de libertés, de rédemption et de toutes les tentations.
Si les plus anciens paños remontent aux années quarante, ils sont devenus plus populaires à la fin des années septante et dans les années quatre-vingt quand les autorités pénitentiaires ont mis à la disposition des détenus des stylos à bille et des mouchoirs plus petits au tissage plus serré. À l’origine, la plupart de ces œuvres d’art n’étaient pas destinées à être vues en dehors du cercle intime de leur créateur. L’intérêt pour l’art outsider, et pour l’art des prisons en particulier, a fait sortir les paños de l’histoire intime vers le circuit des musées, des galeries d’art et des collectionneurs comme Reno Leplat-Torti qui expose une sélection de ses 400 pièces à Bruxelles.
Clin d’œil belge
Loin du Rio Grande et de la vida loca des barrios de Los Angeles, la galerie a eu la bonne idée de demander à des artistes bruxellois ou belges de se réapproprier la technique et le support pour d’autres expériences artistiques. Question thématique, on quitte l’imaginaire carcéral d’outre-Atlantique et dans la technique aussi, le stylo-bille peut faire place à la peinture, à la sérigraphie ou à la broderie.
Pour Silio Durt, c’était l’occasion d’observer les débordements de la gouache et de l’aquarelle quand on les pose sur un tissu de coton. « C’était mon journal de confinement et ça m’a servi de tremplin pour autre chose. » Mathieu Van Assche a emprunté quelques mouchoirs de sa grand-mère. « Avec un clin d’œil à l’univers des calaveras mexicains, j’ai construit mes compositions autour de la thématique du masque. » François Houssiaux qui anime un atelier d’art plastique à la prison de Marche-en-Famenne avec le tatoueur Piet du Congo (qui participe également à l’exposition) a proposé la technique du paños aux détenus qui fréquentent son atelier.
« La réponse a été assez positive. On s’est demandé si ça venait de l’identification à l’univers carcéral des créateurs de paños, mais je crois surtout que ça vient de la technique du dessin au bic. Elle prend plus de temps et on n’a pas le droit à l’erreur. Ce qui m’a surpris, c’est que certains ont passé près de cinq mois, à raison d’une séance de deux heures par semaine, alors que d’habitude, on change de proposition après deux ou trois semaines. »
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