1765 Mazzarella Thomas
Interview

Thomas Mazzarella présente 'Sunrise, Sunset' : 'J'ai quelque chose à dire sur mon époque'

Gilles Bechet
© BRUZZ
04/09/2021

Un univers aux teintes pop et pastel qui vous aspire en érigeant la ouate de l'ennui et la douceur de la mélancolie en art de vivre. Avec son exposition Sunrise, Sunset, le peintre Thomas Mazzarella poursuit l'exploration d'un univers ludique et énigmatique.

Il y a dans l'œuvre du peintre bruxellois Thomas Mazzarella une dimension ludique et de drôles de perspectives qui lui restent sans doute des jeux vidéo qu'il jouait dans son adolescence. À les regarder, on se plonge dans un univers parallèle aux teintes pastel. Des intérieurs dépeuplés où des personnages sans visage s'adonnent à des tâches à première vue insignifiantes. Un univers que l'artiste met en scène dans l'atelier qu'il partage avec sa femme, elle aussi peintre, dans un bâtiment labyrinthique près de la place Stéphanie. "Quand je viens à l'atelier j'ai l'impression d'être comme un adolescent qui ferme la porte avec une pancarte 'ne pas entrer'. J'ai des choses à faire très intimes. Je m'enferme parce que dehors c'est nul, la société est nulle, alors j'ai envie de proposer autre chose."

Fenêtre sur rue
Peintre autodidacte et brièvement grapheur, Thomas Mazzarella a pris goût à la peinture dans l'atelier des Beaux-Arts de Liège. Avec la complicité de son fidèle galeriste Francesco Rossi, il construit d'exposition en exposition une œuvre très cohérente traversée de subtiles variations de série en série. "Cette dernière série est plus silencieuse et plus mélancolique, même s'il y a toujours un peu d'humour et de cynisme." Ses peintures naissent de l'observation des gens dans la rue, dans les musées, partout où ils vaquent à leurs occupations. "Je parle de mon temps, c'est pour ça que je fais de la peinture. Parce que j'ai quelque chose à dire sur mon époque. C'est une peinture du quotidien qui parle du temps qui passe et de l'absurdité de ce qu'on en fait."

Pour donner forme à son univers singulier, l'artiste a besoin de s'isoler pour atteindre les zones du cerveau les plus fertiles en images. "Dans mon atelier, je suis concentré sur mon travail. Avec mes écouteurs, je n'entends rien ni personne. Un autre endroit où j'aime m'isoler pour laisser venir des idées d'images, c'est sous la douche. Je peux y rester un certain temps sans rien faire, à penser et réfléchir." Si ces toiles évoquent le temps qui passe, il prend aussi son temps pour les concrétiser. Sa dernière série de vingt toiles lui a pris deux ans de travail. Quand ça ne va pas, il les met de côté et recommence. "Je viens à l'atelier quotidiennement et je laisse mûrir les choses. Il y a des jours, des semaines, où je reste parfois sans rien faire. Je zone un peu, je glande, je joue sur mon téléphone. Je lis. Pour l'instant, je lis pas mal de choses sur l'astronomie, ça m'intéresse beaucoup parce que l'astronomie, c'est aussi une science de rêveurs."

Si les peintures de Thomas Mazzarella embarquent le spectateur dans un monde d'images énigmatiques et déconcertantes, c'est parce qu'elles séduisent aussi par leur qualité picturale. "Faiseur d'images, je me sens peintre avant tout. J'ai un réel amour pour la peinture, pour sa matière. J'en fais depuis longtemps maintenant et je m'y sens chez moi. Depuis deux ou trois expos, je peins à l'huile, c'est plus onctueux, la longueur du temps de séchage m'oblige à prendre le temps et à réfléchir à ce que je vais faire."

Je m'enferme parce que dehors c'est nul, la société est nulle, alors j'ai envie de proposer autre chose

Thomas Mazzarella

Comme un pendule
Perdus dans leurs décors pastel, les personnages de Thomas Mazzarella semblent goûter à l'ivresse d'un ennui sucré et d'une solitude ouatée. À côté des livres sur l'astronomie, le peintre a aussi lu dernièrement un livre sur le philosophe Schopenhauer où il a retrouvé la phrase : "La vie oscille comme un pendule de la souffrance a l'ennui". Une maxime qu'il pourrait faire sienne. "J'aime la mélancolie et l'ennui du temps qui passe et peut-être aussi un peu du monde adulte. Ça peut paraître dur, mais ce ne l'est pas tant que ça. En fait, j'essaie, à ma façon, de rendre sérieux quelque chose qui ne l'est pas."

Thomas Mazzarella n'a pas fini de jouer avec le puzzle de ses images mentales. Peut-être même qu'il en fera un jour un jeu vidéo, comme il en caresse l'envie. Ce sera un jeu avec des architectures colorées, des machineries inutiles et des intérieurs déserts. Avec des options pour choisir de ne pas faire grand-chose.

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