Tout au long de sa carrière, le peintre congolais a toujours suivi sa propre voie. Installé depuis 1985 en Belgique, Bers Grandsinge a développé une technique très particulière et une approche singulière de l’homme, entre son ancrage africain et une vision transhumaniste tournée vers le futur.
Bers Grandsinge en quelques dates
- 1955, naissance de Jean-Pierre Bers à Ipamu dans le Kasai
- 1977-81, académie des BeauxArts de Kinshasa
- 1985, fréquente Jean-Michel Basquiat qui lui donne le surnom de Grandsinge
- 1985, s’installe à Bruxelles
- 1988, première exposition à la galerie Hutse
- 2001, participe à La messagerie de l’art contemporain à l’ISELP, Bruxelles
- 2008, Black Paris - Black Brussels au musée d’Ixelles à Bruxelles
- 2011, participe à 50 ans 50 artistes à l’espace Wallonie de Bruxelles
- 2015, Nul n’est prophète en son pays à la Galerie Goldenberg à Paris
L’être humain a peut-être atteint son apogée, pense le peintre et artiste congolais Bers Grandsinge. Et il amorce son déclin. Le salut passera par une transformation de son code génétique et par la conquête des étoiles et la démultiplication corporelle. « L’être humain est hanté par le problème de la mortalité. Pour le résoudre, j’imagine une machine qui pourrait scanner toutes les cellules de l’être humain pour les conserver en laboratoire et où elles pourraient grandir pendant qu’on part dans l’espace ou être projetées comme un hologramme avec lequel on pourrait avoir une conversation. » L’esprit dans la machine. « C’est quelque chose qui existait chez nous », remarque le peintre. « Les sorciers pouvaient s’emparer de l’esprit de certains humains pour accomplir leurs tâches. Seulement eux doivent tuer la personne pour s’emparer de leur esprit. Avec la machine, ce ne sera plus nécessaire. »
« Le temps de la mutation est arrivé. »
La méthode Bers
Cette drôle d’idée a émergé très tôt chez le jeune homme, quand il pensait à tous ceux qu’on laisse derrière soi. Bers a quitté sa famille à 14 ans. Mais il avait une bonne raison, il voulait à tout prix devenir artiste et s’inscrire aux Beaux-Arts.
« Enfant, j’étais fasciné par un tableau du peintre André Hallet accroché dans la maison familiale. C’est quand mon père m’a montré en vrai la personne représentée sur le petit tableau que j’ai compris la magie de la peinture. »
À l’académie de Kinshasa, le jeune homme qui s’appelait encore Jean-Pierre Bers a développé une méthode originale que ses professeurs ont tout de suite appelée la méthode Bers. Son autre nom est polyuréthane, car c’est en mélangeant par erreur ce diluant synthétique à la peinture, qui a ensuite pu sécher pendant une nuit, qu’il a obtenu, dans la matière colorée, des sillons sinueux, des ridules, couvrant ses personnages comme des tatouages.
En 1985, le jeune artiste congolais avide de découvertes débarque à New York sans un sou en poche. Par connaissances interposées, il y fait la rencontre de Jean-Michel Basquiat à l’époque où celui-ci exposait avec Warhol. C’est lui qui lui conseille d’aller en Europe pour y faire rayonner l’art contemporain africain. Et c’est aussi l’artiste haïtien qui qualifia gentiment son ami congolais de Grand singe. Et le surnom est resté. « Il me voyait comme le singe qui reste en dehors du groupe pour observer ce qui se passe et guider les autres. Ça me plaisait. Et puis il faut bien dire que je me sens plus proche du singe que du porc ou du papillon », rigole-t-il.
« Le galeriste m’a abordé parce qu’il n’avait pas encore vu d’Africain entrer dans sa galerie. »
Du hasard au rendez-vous
Le voilà débarqué en Belgique, sans contact et sans galerie. Au hasard de ses promenades, il passe devant la galerie Hutse à Jette où il entre. « Le galeriste m’a abordé parce qu’il n’avait pas encore vu d’Africain entrer dans sa galerie. Il me demande qui je suis. Je lui apprends que je suis artiste et je lui montre mon book. Il est emballé et me prête de l’argent pour acheter du matériel pour ma première exposition. »
Le soir du vernissage, Bers apprend qu’un ordre de quitter le territoire a été édité à son encontre. La cause de cette tentative d’expulsion, une de ses toiles La fin tragique d’une dictature qui déplaisait fortement à Mobutu. Heureusement, grâce à un article du Soir et après quelques coups de téléphone du galeriste, Bers Grandsinge peut rester en Belgique.
Il n’est pas encore revenu au Congo. « Chaque fois que je projette d’y aller, il y a quelque chose qui se met dans le chemin. Mais j’ai des nombreux contacts là-bas et je suis sûr que je finirai par y retourner. »
Picturalement, il continue à tracer sa voie en cherchant d’autres moyens d’expression, en créant notamment des personnages grâce à un logiciel 3D qu’il va projeter sur la toile et y intégrer ses ridules à la matière. Sur une toile récente intitulée Le dernier rendez-vous, on voit des personnages qui semblent sortis d’un récit afrofuturiste. Bers les a baptisés « Wur », qui signifie humain en kingoli, langue parlée à Mangai en RDC. « Ces personnes ont changé leur code génétique avant d’entamer un long voyage interstellaire. Le temps de la mutation est arrivé. »
BERS & FRIENDS - AVIS DE RECHERCHE
31/3 > 20/5, Maison commune,
Mercelisstraat 81 Rue Mercelis, Elsene/ Ixelles,
www.cultureetpublics.be
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