Le festival Afropolitan veut mettre en avant la nouvelle génération d'artistes africains qui ont su concilier la vie dans nos métropoles européennes avec la redécouverte de leurs racines africaines. Cette année, focus sur les Bruxellois de la diaspora africaine, parrainés par le chanteur, danseur et ambianceur Fredy Massamba.
Le musicien Fredy Massamba parraine le festival Afropolitan
Un pied fortement enraciné dans la tradition congolaise et l'autre qui aime voyager et goûter à ce qui se fait dans le monde, pas de doute, Fredy Massamba est un Afropolitain. "La première fois que j'ai entendu parler du terme 'Afropolitain', c'était de la part du chercheur et écrivain camerounais Achille Mbembe," raconte Massamba.
"Le point central de sa vision est le rejet catégorique des frontières coloniales qui furent créées sans aucun respect pour les peuples africains, dans l'optique de diviser pour mieux régner. Il faut briser ces frontières et promouvoir l'échange culturel entre les peuples pour aller vers une Afrique jeune, urbaine et dynamique."
"Le festival entre dans cette dynamique et montre une Afrique qui s'affirme avec des jeunes de la diaspora qui sont nés ici, comprennent la culture d'ici, ont eu une bonne éducation. Ils travaillent et payent leurs impôts comme tout le monde," explique-t-il. "Ils vont montrer l'Afrique à leur manière, vue par leurs yeux. De son côté, l'Europe a des choses à apprendre car elle est loin de tout connaître sur l'Afrique."
Sur trois jours, le festival présentera plus de septante artistes et acteurs culturels de la diaspora africaine. À l'occasion de concerts, expositions, pièces de théâtre, films et débats, ils nous feront découvrir leur manière de vivre leur africanité en Europe. Avec comme attraction principale le grand spectacle que Fredy Massamba a concocté.
"J'invite plein d'amis musiciens avec qui j'ai retravaillé mon répertoire pour ajouter encore plus d'influences afro. J'aurais pu inviter Ray Lema, Les Tambours de Brazza et d'autres grands noms, mais ici on parle d'Afropolitains. Focus donc sur les artistes afro-belges, en particulier ceux de Bruxelles, pour montrer la richesse de la scène locale."
On notera la participation de Karavan, un groupe formé par Nicole Letuppe, Marie-Ange Teuwen et Massamba qui reprend le répertoire d'Arno a capella, ainsi que du slammeur Badi, dont le prochain album sera produit par Massamba, ou encore du violoniste Sébastien Paz du groupe Askanyi avec qui Massamba est parti en tournée au Mexique récemment.
Rejet identitaire
Massamba donnera une master class en techniques vocales incluant polyphonies et chants des Pygmées. "C'est une invitation à l'apprentissage et au partage," raconte Massamba. "Je vois que de nos jours, les jeunes s'intéressent peu à notre tradition. Je constate un refus de culture, une sorte de rejet de la tradition ancestrale. Tout ce qui est européen est beau, tout ce que nous avons ne vaut rien. Je veux leur faire voir la richesse de nos cultures africaines."
Cette richesse culturelle africaine, Massamba la connaît bien. Ayant grandi dans un quartier populaire de Pointe-Noire en République Démocratique du Congo et ayant tourné en Afrique occidentale avec Les Tambours de Brazza, ayant visité les Pygmées en République centrafricaine pour apprendre leurs techniques vocales et polyphonies.
Vingt ans après son arrivée à Bruxelles, Massamba est une valeur sûre de la musique africaine et du mouvement hip-hop en Belgique et au-delà, ayant tourné avec Zap Mama, Manou Gallo ou encore le rappeur sénégalais Didier Awadi. Ayant aussi fait le pas de l'autre côté de l'Atlantique pour collaborer avec de grands noms du hip-hop américain comme Bilal, Mos Def et The Roots.
Un gros bagage musical et culturel, africain et occidental. Deux mondes qui le fascinent et qu'il a voulu combiner depuis sa jeunesse au Congo. Pari réussi sur ses deux premiers albums solo Ethnophony (2010) et Makasi (2013). Un beau mariage entre, d'une part, rap, soul, R&B et funk, et, d'autre part, percussions africaines, flûtes des Pygmées, polyphonies et chants africains en kikongo et lingala.
Parlons-en !
Pour briser les tabous et les silences autour de certains sujets, le festival Afropolitan organise trois débats autour de l'afrophobie, des pratiques du black face ou encore des relations entre les communautés d'origines nord-africaines et sub-sahariennes à Bruxelles. "On vit au 21e siècle en pleine mondialisation, les peuples sont en train de se réunir. En même temps, l'Europe se replie sur elle-même, sans se rendre compte que le jour où l'Afrique ferme ses frontières, ça va faire mal," explique Massamba.
"Toutes ces richesses que nous avons en Belgique, les diamants, le café, le cacao, les matières premières, ça vient de quelque part, et il y a des êtres humains qui vivent dans ces pays. Il faut commencer par bien informer les gens. Si les Africains viennent ici, ce n'est pas pour remplir les villes, mais parce que l'Europe nous enfonce là-bas. Les Africains ne peuvent même pas décider eux-mêmes du prix des matières premières!"
Ceux qui connaissent Massamba savent qu'il aime rire et qu'il a un grand sens de l'humour. Mais lorsqu'on en vient aux pratiques "folkloriques" comme celle du Père Fouettard, Massamba ne rit pas. "Ce n'est pas de la comédie, ce sont des gens qui sont là pour se moquer d'une certaine race. Dommage que cela existe encore dans les pays européens qui s'auto-déclarent si développés. C'est inacceptable, c'est une forme de racisme, il n'y a pas d'autre mot."
La relation entre jeunes des communautés nord-africaines et sub-sahariennes est un autre point délicat. "Il y a des frustrations entre Arabes et Africains, c'est un phénomène qui date. Une sorte de racisme qui n'a pas de sens car on est tous Africains. Est-ce religieux? Peut-être, vu que la plupart des Africains ici sont catholiques," raconte Massamba.
"On ne doit pas se faire la guerre, ça tire l'Afrique vers le bas. Il faut créer plus d'espaces de dialogue, comme l'Espace MAGH qui organise des spectacles et des activités du Maghreb et d'Afrique noire. Il faut éduquer les enfants. Être Marocain, Égyptien ou Algérien, c'est aussi être Africain ! Ce n'est pas pour rien que ces pays jouent dans la coupe d'Afrique."
> Afropolitan Festival. 03/02 > 05/02, Bozar, Brussel
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