Les cinémas de la ville mijotent des plans pour proposer à nouveau des films aux Bruxellois, mais une éventuelle réouverture représente plutôt le début que la fin des problèmes. Heureusement qu'ils ont l'esprit combatif. "Donnez-nous une date, et nous pourrons nous y mettre."
Les cinémas n’ont pas de jours de fermeture. 365 jours sur 365, ils accueillent des gens qui cherchent à s’évader via le septième art. C’est impossible depuis des semaines et il n’en sera pas question encore pendant des semaines, voire des mois. Pendant tout ce temps, les cinémas ne font pas de recettes. Bien sûr, cela les met dans une position difficile. « La situation est précaire », déclare Nicolas Gilson, programmateur et directeur par intérim du Palace. « Les factures continuent de tomber et nous n’avons pas de revenus. Le chômage économique pour l’ensemble du personnel nous sauve. »
Frédéric Cornet, directeur du cinéma Galeries, ne pense pas que des cinémas vont devoir fermer définitivement. « Mais nous allons traverser une période difficile. Nous devons attendre de voir combien de temps durera la crise et quel soutien nous recevrons des autorités, autant que les théâtres et les salles de concert, espérons-le. »
Le plus important est que nous offrions du cinéma aux Bruxellois cet été, même si les salles doivent rester fermées.
Peggy Fol n’envisage en aucun cas de laisser tomber le Vendôme. « C’est une entreprise familiale depuis 69 ans. Depuis 69 ans, nous avons enduré toutes les tempêtes. Je suis prête à rouvrir. Mais si les problèmes s’éternisent pendant un an, je ne sais pas comment je vais pouvoir payer les frais fixes comme le loyer. »
Un seul désir: rouvrir
Les trois cinémas de la ville mijotent des projets de réouverture, mais pour l’instant, ils se heurtent à de nombreux points d’interrogation. À partir de quand cela sera autorisé ? Dans quelles conditions ? « On ne peut pas rouvrir du jour au lendemain. Le secteur estime qu’il faudra au moins un mois pour être à nouveau opérationnel. Donnez-nous une date, donnez-nous les conditions et nous pourrons nous y mettre », dit Fol. « Nos vies ont changé. Nous allons devoir faire avec le virus pendant des mois, voire des années. Nous ne pouvons pas rester enfermés tout le temps. Une vie sans culture, sans musique, sans cinéma n’est pas une vie. Faisons en sorte de préparer la réouverture des cinémas avec vigilance et intelligence. »
Si ce n’est pas rentable d’ouvrir, alors nous nous dirigeons vers la faillite. Nous et tous les autres.
Les cinémas affirment qu’ils peuvent respecter les règles de distanciation sociale en laissant des sièges vides et en n’utilisant que trente pour cent de la capacité de la salle. Le flux de personnes peut être contrôlé grâce à une entrée et une sortie séparées et en laissant suffisamment de temps entre les séances. « Nous n’avons qu’un seul désir : rouvrir. Nous ferons tout notre possible pour garantir la sécurité du personnel et des visiteurs. Si nécessaire, les masques buccaux seront obligatoires et je demanderai à chaque visiteur de se désinfecter les mains avant d’entrer dans la salle. Je ne vais pas pleurer si je ne peux pas vendre de boissons et de gourmandises pendant six mois vu que ce n’est pas compatible avec le port du masque. Il s’agit là d’un service et d’un petit extra. Je ne vis pas de cela. Notre métier consiste à montrer des films aux gens, pas à vendre du pop-corn. »
Selon les calculs de Cornet, les Galeries « pourraient à peu près arriver » à être rentables avec seulement trente pour cent de leur capacité. « Nous avons la chance d’avoir deux grandes salles à notre disposition. Pour les opérateurs disposant de salles plus petites comme l’Aventure, le défi est plus grand. » À trente pour cent, les deux grandes salles du Palace sont rentables, les deux petites ne le sont pas. « D’un point de vue économique, une réouverture à trente pour cent n’est donc envisageable que si les grandes salles ont un bon rendement. Mais ce n’est pas garanti », dit Gilson.
Les cinéphiles oseront-ils revenir ?
La principale inquiétude est de savoir si le public répondra tout de suite présent. « En Suède, les cinémas ont pu rester ouverts, mais ils n’ont atteint que dix pour cent de leur chiffre d’affaires habituel. Si seulement dix pour cent de notre public se présentent, nous aurons vraiment des ennuis. Le secteur se demande actuellement s’il veut vraiment rouvrir rapidement. S’il ne serait pas plus intelligent d’attendre. Nous n’avons pas encore décidé. Nous nous concertons entre nous ainsi qu’avec le cabinet de la ministre de la culture », déclare M. Cornet.
Selon M. Gilson, deux scénarios sont envisageables : une réouverture au début de l’été ou au début du mois de septembre. « Je ne veux pas être négatif. J’aimerais rouvrir. Mais il faut savoir que la majorité des cinémas français préfèrent rouvrir en septembre. Non seulement il y a un espoir que nous puissions rouvrir dans de meilleures conditions à ce moment-là. Et ce serait surtout moins risqué sur le plan économique. L’été est toujours une période difficile pour les cinémas. C’est pourquoi les distributeurs gardent leurs films les plus prometteurs pour après l’été. En mai et en juin, on a les films présentés au Festival de Cannes. Mais le Festival de Cannes n’aura pas lieu. Donc, ça tombe aussi à l’eau. »
Des dépenses supplémentaires pour assurer la sécurité, mais avec une capacité de trente pour cent, une période difficile de toute façon, une offre de films plutôt faible et l’incertitude quant au retour du spectateur forcent Gilson à la prudence. « Si ce n’est pas rentable d’ouvrir, alors nous nous dirigeons vers la faillite. Nous et tous les autres. C’est surprenant mais aussi rassurant d’apprendre que les grands complexes cinématographiques sont confrontés au même problème de rentabilité. Nous sommes tous dans le même bateau. Si les distributeurs perdent pied, les cinémas couleront aussi. Si les salles commerciales abandonnent, ce sera aussi à terme la fin des salles d’art et d’essai. Il s’agit d’un grand mouvement. C’est bon pour tout le monde. »
Les trois gérants de cinéma soulignent l’importance de titres capables d’attirer les gens hors de leur tanière une fois qu’ils seront autorisés à ouvrir. « Nous appelons cela des locomotives », dit Cornet. « Des films qui donnent envie au public d’aller au cinéma. Ils sont très importants. » Pour ces films, les cinémas dépendent des distributeurs de films. « Mais pour eux, tout est encore flou », poursuit Fol. « Les grands studios américains ont reporté presque tous les grands titres à l’automne ou à 2021. J’espère que les distributeurs locaux ne seront pas trop frileux. »
Une valeur ajoutée incontestée
En revanche, la popularité croissante de Netflix et d’autres chaînes de vidéo à la demande ne suscite que relativement peu d’inquiétude. « Pour être honnête, je suis heureux que certains distributeurs aient fait l’expérience d’une sortie en ligne. Cela a donné à la presse la possibilité de continuer à faire des critiques de films. C’est important. C’est comme ça que le cinéma reste présent dans l’esprit des gens », dit Gilson. Avant la crise du Covid-19, toutes ces chaînes de VOD existaient déjà et cela n’a pas empêché les cinémas de la ville de prospérer, comme Bruzz l’avait rapporté fin février. « 2019 a été une année record pour tous. Au début de l’année 2020, le cinéma Galeries a même fait encore mieux. Malgré l’existence de Netflix et compagnie, les gens aiment toujours aller au cinéma », dit Cornet. « Les cinémas d’art et d’essai ont abandonné l’idée qu’il suffit de projeter un film sur grand écran pour attirer les gens. Il faut essayer d’être un lieu de rencontre et de créer une valeur ajoutée. Pour présenter des films, créer des événements, inviter des réalisateurs, organiser des débats. Cela fonctionne très bien. Partout, et pas seulement chez nous. »
Nous ne pouvons pas rester enfermés tout le temps. Une vie sans culture, sans musique, sans cinéma n’est pas une vie.
Le directeur intérimaire du Palace confirme. « Des événements tels que les avant-premières, les présentations et les débats avec les réalisateurs font vivre des cinémas comme le nôtre. Ces événements remplissent les salles et créent une ambiance qui donne envie d’aller au cinéma plus souvent. Mais les salles pleines ne sont pas autorisées. Nous ne pourrons pas non plus compter sur les événements. »
Tout comme le Palace, le cinéma Galeries renforce généralement son offre estivale avec des classiques, des cycles et des films inédits. Le cinéma Galeries élabore son programme d’été sans savoir s’il sera ouvert. « Nous sommes en pourparlers avec la Ville de Bruxelles pour organiser des projections en plein air. Ce sera plus facile de respecter la distance entre les spectateurs. Il me semble que le plus important est que nous offrions du cinéma aux Bruxellois cet été, même si les salles doivent rester fermées. »
Un public fidèle
Le cinéma Galeries déclare recevoir des réactions très positives à ses bulletins d’information et à ses actions visant à renforcer le lien avec le public, également depuis la fermeture. « Entre autres choses, nous avons tenu notre communauté de cinéphiles informée des initiatives en ligne intéressantes. Le 21 avril, nous avons mis en ligne un film que nous aurions dû normalement projeter le soir même : Queercore : How to Punk a Revolution. 1340 personnes l’ont regardé ! »
De nombreuses manifestations de soutien réchauffent aussi le cœur du Vendôme. « J’avoue qu’au début, j’étais inquiète », dit Fol. « Non pas pour les finances, mais par rapport au retour des spectateurs. Mais de nombreux clients m’ont spontanément fait savoir qu’ils reviendraient ou m’ont exprimé leur soutien. Notre carte de fidélité, qui permet de payer des places que l’on pourra utiliser plus tard, a également connu un grand succès. Ce soutien extraordinaire de la part de notre public habituel m’a donné un énorme coup de boost. Je veux aider tous ces gens à retrouver le chemin des salles obscures. C’est ce qui compte pour moi. »
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