Après La Trêve et Ennemi Public, la RTBF poursuit l'aventure des séries noires hautement stylées avec le nouveau thriller en six épisodes Coyotes. À l'affiche de cette savoureuse descente aux enfers: Louka Minnella, Kassim Meesters et Sarah Ber. La jeune patrouille pleine de promesses revient sur un tournage aussi décisif qu'inoubliable depuis leur camp de base à Bruxelles.
Dans une rue calme du haut du centre-ville, Sarah Ber et Kassim Meesters, 22 ans tous les deux, vivent dans la même colloc, une maison étroite aux belles cheminées anciennes et aux plafonds hauts, aménagée avec chaleur. Louka Minnella, 21 ans, ayant décroché son premier rôle à 15 ans dans La Fille Inconnue des frères Dardenne et bientôt à l'affiche de Sans Soleil (film très attendu de la réalisatrice belge Banu Akseki), a rejoint la base la veille depuis Montpellier.
Installé en France avec ses parents depuis plusieurs années, l'étoile montante est de passage à Bruxelles pour assurer avec ses deux acolytes la promo de Coyotes, la nouvelle série RTBF qui promet de faire monter les températures en ce mois de mai indécis.
Bientôt, les trois acteurs belges ne pourront plus mettre un pied dehors sans être pris pour le mystérieux Kevin (Louka Minnella), ado rebelle dont le destin bascule lorsqu'il découvre un cadavre et des diamants volés, au beau milieu d'un camp scout auquel il a été traîné de force par son père, Furet (Kassim Meesters), l'ami scout fidèle qui risquera les pires dangers pour aider Kevin, et Mangouste (Sarah Ber), leur chef de groupe, dont la détermination aveugle pourrait bien la perdre elle aussi.
Coyotes, c'est le nom de cette joyeuse patrouille et aussi celui de la série, un thriller visuellement puissant signé Gary Seghers, totémisé haut la main en 2016 avec sa première série Ennemi Public (RTBF), et le réalisateur luxembourgeois Jacques Molitor.
Oscillant entre film noir et énergie solaire, ce rite de passage à l'âge adulte en six épisodes fut tourné en grande partie dans les forêts somptueuses logées de part et d'autre de la bordure luxembourgeoise. Un nouveau vent de fraîcheur dans le paysage télévisuel qui, comme ses prédécesseurs, ne devrait pas manquer de se propager au-delà de nos frontières.
Sarah joue le rôle de l'énergique Mangouste, Louka du ténébreux Kevin et Kassim de Furet, le gars sur qui on peut compter. Quelle part de vous avez-vous mis dans ces personnages ?
SARAH BER: J'ai été conviée au casting pour le rôle de Marie (la fille de la propriétaire du terrain où s'est installé le campement scout, et dont Kevin tombera dangereusement amoureux, NDRL) mais j'ai finalement décroché celui de Mangouste, dans lequel je me suis beaucoup plus reconnue. Mangouste est un personnage très entouré et à la fois très carriériste. Je ne le suis pas à ce point-là mais, comme elle qui veut faire Sciences Po à Paris, je sais depuis très jeune que je veux faire du cinéma. J'étais aussi intéressée par l'idée de porter un personnage qui est à fond dans le scoutisme depuis le plus jeune âge alors que je n'ai jamais fait les scouts. Aucun de nous trois d'ailleurs.
LOUKA MINNELLA: Tu étais trop occupée à tracer ta carrière (rires). Je pense que ce qui me lie au personnage de Kevin, c'est une forme de solitude. Même s'il a des problèmes que moi je n'ai pas du tout, j'aime me retrouver seul avec mes pensées. Kevin a très peu d'amis, je n'en ai pas des millions non plus.
BER : Tes vrais amis, c'est nous (rires).
KASSIM MEESTERS : Dès que je l'ai lu, j'ai adoré le personnage de Furet. C'est un ado qui se pose un tas de questions. C'est le genre de gars qui tient à ce que le groupe reste soudé, que tout le monde reste amis, et qui tout à coup va se faire entraîner par Kevin et se mettre en danger. Même si Furet est beaucoup plus introverti que moi, je me retrouve dans son côté cérébral.
Quid de l'ambiance de travail avec les deux réalisateurs de Coyotes, Gary Seghers et Jacques Molitor ?
MEESTERS : On a davantage travaillé avec Gary Seghers, qui s'occupait beaucoup des scènes avec la patrouille Coyotes. Ça s'est extrêmement bien passé et les deux sont devenus des amis.
Minnella : Gary Seghers et Jacques Molitor ont une méthode de travail très différente, mais il y avait quelque chose de très humain chez les deux. Gary était toujours accueillant. Il avait toujours le smile et ne nous parlait jamais des soucis du tournage. Les deux réalisateurs nous protégeaient vachement.
Je n’ai pas eu le bac et ça ne m’a rien fait. Je me suis juste dit que j’allais continuer à faire du cinéma
Quelles ont été les scènes ayant nécessité un réel dépassement dans votre jeu d'acteur.ice ?
BER : Très tôt dans le planning du tournage, on s'est retrouvés à devoir jouer une scène très chargée émotionnellement. On devait se mettre dans une énergie de crise, de pleurs et de rupture de confiance. Quelque chose de très hystérique. On a vraiment dû s'appuyer les uns sur les autres.
MEESTERS : C'était la première scène un peu violente qui allait marquer ce qu'on allait pouvoir faire plus tard dans cette série qui est avant tout un thriller. Le tournage de cette scène a été très déterminant pour les réalisateurs.
MINNELLA : Après ce jour-là, tout le monde était extrêmement motivé à bosser.
Le format de la série exige une période de tournage étendue. En l'occurrence cinquante jours. Il faut tenir cette motivation sur la longueur.
MINNELLA : Il faut tenir physiquement et moralement parce que ce sont des journées entières où on est englobés dans le tournage et où on en ressort que très peu. On commençait très tôt le matin, on finissait tard le soir. On était toujours en groupe.
MEESTERS : Pendant près de quatre mois, on n'a fait que ça. Notre vie, c'était le tournage.
BER : Sachant qu'on tournait en pleine pandémie de coronavirus. Moi je rentrais les week-ends à Bruxelles et on ne pouvait voir quasi personne. Les bars étaient ouverts et mes potes pouvaient faire plein de choses. Moi je ne pouvais pas les voir parce qu'il était hors de question de choper le coronavirus sous peine de voir la série s'effondrer.
J’aime bien comparer la bulle du tournage aux potes du secondaire que tu te fais quand tu pars en classe verte. Ici, c’était une classe verte de quatre mois
Cela a-t-il accentué l'effet "bulle" et la solidarité de plateau ?
MINNELLA : C'est sûr. Rien que parce qu'on était une troupe entre 18 et 25 ans, avec la même envie de cinéma et de carrière. La bulle n'a fait qu'accentuer la symbiose.
MEESTERS : J'aime bien la comparer aux potes du secondaire que tu te fais quand tu pars en classe verte. Ici, c'était une classe verte de quatre mois (rires).
Quelle était votre relation à la nature avant de vous enfoncer au fin fond de la forêt luxembourgeoise pendant de longues semaines ?
MINNELLA : Je n'ai pas eu trop de mal parce qu'à côté de chez moi, c'est le terrain de vaches (rires).
BER : Je viens de la ville mais j'ai quand même réussi à tomber sur la rue à Uccle où il y avait des moutons (rires).
MEESTERS : La nature te connecte avec l'essence des choses, ça fait du bien de se rappeler qu'il n'y a pas que la ville partout et que la forêt existe encore. Le fait de tourner longtemps dans un même lieu a permis de s'ancrer dans un système et dans un décor.
Ber : C'est vrai qu'on est très dépendants de la météo quand on tourne en pleine nature mais on a eu beaucoup de chance parce qu'il a fait beau tout le temps. S'il avait plu tout du long, je pense que la série aurait eu une tout autre couleur.
La série vous plaît-elle ?
(En chœur) oui, à fond.
MEESTERS : Je pense que la force de la série se trouve dans sa dynamique. Il y a un côté bande dessinée qui est assez frappant. Ces personnages à qui il arrive plein d'action tout le temps, l'histoire qui part dans tous les sens, avec des moments très drôles et d'autres beaucoup moins. Les personnages passent d'une scène à une autre comme on passe d'une case à l'autre. C'est très réussi.
Après une aventure cinématographique aussi intense, comment envisagez-vous la suite de vos carrières respectives ?
BER : On a faim ! On veut continuer bien sûr, et pas uniquement dans la série.
MEESTERS : On a fait ça pendant quatre mois et on aimerait le faire tout le temps.
Avez-vous le sentiment qu'il y a assez d'opportunités en Belgique ? Assez de séries et de longs-métrages dans lesquels vous pourriez potentiellement jouer, et dans lesquels vous vous retrouvez ?
BER : La Belgique s'ouvre de plus en plus au niveau des séries et va de plus en plus loin.
Minnella : En Belgique, quand tu accèdes à une certaine notoriété, tu acquiers une certaine sécurité. Mais pour aller encore plus loin, il faut forcément sortir des frontières. Vendredi dernier, j'étais à Paris et on me disait encore à quel point il y a une dynamique au niveau des acteurs belges qu'on ne trouve pas en France.
Il y a de plus en plus d'éloges qui se font sur nous.
MEESTERS : Je pense que la Belgique est en train d'acquérir une crédibilité à l'étranger depuis quelques années. Que ce soit au niveau de la série, de ce qu'on produit et au niveau des artistes. Et ça ne vaut pas que pour l'industrie du cinéma. Je pense aussi à l'industrie musicale. Il y a énormément d'artistes francophones comme Angèle, Lous and The Yakuza et Damso, qui offrent à la Belgique une belle carte de visite en France et plus largement en francophonie. Aujourd'hui, on se dit que les Belges, ça n'est pas qu'un accent. C'est aussi des vrais artistes.
BER : Et c'est pareil pour le cinéma flamand. C'est encore un autre univers que le cinéma belge francophone.
Bruxelles est-elle une ville prometteuse pour les jeunes acteur.ice.s ?
MEESTERS : Je pense que oui. Mais à partir du moment où tu veux prendre une place dans le cinéma francophone, les allers-retours à Paris sont obligatoires.
BER : Il n'y a pas d'agents en Belgique. C'est considéré comme du proxénétisme. La Belgique estime que le boulot des agents, c'est d'utiliser les comédiens. Tous les comédiens belges sont fatalement obligés d'avoir un agent en France.
MINNELLA : Ne fût-ce que pour négocier un contrat. Quand je n'avais pas encore d'agent, je devais aller voir un avocat.
Il était hors de question de choper le coronavirus sous peine de voir la série s’effondrer
Louka, vous nous disiez, avant de commencer l'interview, avoir prévu de vous installer prochainement à Paris ?
MINNELLA : C'est par facilité. Pour l'instant, c'est un peu particulier parce que les premiers castings se font par vidéoconférence mais en temps normal, je fais 2-3 allers-retours depuis Montpellier par mois. Et puis en France, pour bosser dans la région parisienne, il faut y habiter. Si tu n'y habites pas, ils ne regardent même pas ton dossier. Si tu habites en Belgique, c'est la même chose. Le voyage et le logement ont un coût, et c'est de l'argent qu'ils peuvent économiser sur autre chose. Alors, forcément, ils prennent des acteurs locaux.
Vous parliez tous les trois de la crédibilité grandissante du cinéma belge de l'autre côté de la frontière. Est-ce que ça se ressent dans les castings ?
MINNELLA : On en discutait justement avec Sarah. Quand on était petits, on ne pouvait pas dire "nonante" ou "septante". Dès qu'ils entendaient un petit accent, on nous renvoyait chez nous. Aujourd'hui, les choses ont changé.
BER : Maintenant, quand tu vas à Paris et que tu dis que tu es Belge, c'est cool (rires). Alors que quand j'avais dix ans et que j'allais à Paris, je devait tout faire pour cacher mon origine, j'avais une adresse email où il n'y avait pas "be" pour ne pas me griller. Tu as 10 ans. Tu dois apprendre ton texte. Tu es super stressée. Tu as fait trois ou quatre heures de route. Et, en plus de tout ça, tu dois te concentrer sur ton accent. Aujourd'hui, c'est complètement différent. Les agents prennent des Belges, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Vous avez goûté au métier très jeunes.
BER : À dix ans, j'ai fait mon premier casting pour la production internationale Elle s'appelait Sarah et je l'ai eu. Quand tu as une équipe aussi grande et que tu es aussi petit, en taille aussi (rires), c'est quelque chose de se retrouver au milieu de tous ces décors avec des pointures comme Kristin Scott Thomas autour de toi. Ça ne peut que donner envie.
MINNELLA : De mon côté, j'ai commencé par de la pub avant de faire de vrais projets cinéma. Forcément, quand j'ai fait le film avec les frères Dardenne (La Fille Inconnue, NDLR), ça a tout certifié.
MEESTERS : Je n'ai pas commencé à dix ans, mais j'ai toujours eu l'envie de faire ce métier. Enfant, je faisais des tournages avec les potes. On s'amusait à refaire Star Wars (rires).
Sarah vient de terminer l'Insas. Louka et Kassim, avez-vous également suivi une formation en école ?
MEESTERS : J'ai fait la première année de l'IAD à Louvain-la-Neuve. Ils m'ont proposé de doubler et j'ai reçu le rôle de Furet au même moment. Du coup, mon choix a été vite fait.
MINNELLA :Moi j'ai décroché à fond, (rires). C'est-à-dire que je n'ai pas eu le bac, et ça ne m'a rien fait. Je me suis juste dit que j'allais continuer à faire du cinéma. Le cinéma, c'est ce qui me permet de tout découvrir. J'ai voyagé dans d'autres pays pour le cinéma, j'ai appris le chant et la musique pour le cinéma. Tu peux incarner des rôles tellement différents de ce que tu es, et à la fois défendre ta personnalité. Tu peux tout faire. J'aimerais faire du cinéma toute ma vie.
COYOTES
12/5, 2 épisodes en avant-première sur Auvio,
www.rtbf.be & à partir du 16/5 sur la RTBF
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