Dans Des Hommes, le Belge francisé Lucas Belvaux brise le silence qui entoure les soldats français qui ont fait la Guerre d'Algérie.
Lucas Belvaux n’aborde pas la guerre en soi, mais se penche plutôt sur le groupe de jeunes Français envoyés en Algérie pour « devenir des hommes » et qui ont vécu un cauchemar.
Review
'Des Hommes' : Lucas Belvaux évoque la Guerre d'Algérie
Si on fait une classification des films selon leur degré de divertissement ou de qualités cinématographiques, les films de Lucas Belvaux ne figureront pas en haut de la liste. Mais le réalisateur belge comprend son métier et aborde systématiquement des sujets sociétaux engagés à travers des histoires intelligemment choisies. Pensez par exemple à Chez Nous, Rapt ou 38 Témoins. Avec La raison du plus faible, il faisait la course à la Palme d'Or en 2006.
Son dernier film aurait aussi dû faire partie de la sélection cannoise l'année passée, si la pandémie n'en avait pas décidé autrement. Faute de mieux, le film Des Hommes était en ouverture du Brussels International Film Festival en septembre 2020. La fermeture prolongée des salles de cinéma a reporté la sortie du film jusqu'à cette semaine. Mais rien que pour le sujet qu'il aborde, il aurait été dommage que le film finisse par perdre son élan.
Des Hommes évoque la Guerre d'Algérie (1954-1962), un épisode de l'Histoire française que le pays préfère parfois passer sous silence, un peu comme la collaboration en Flandre ou le Rexisme du côté wallon. La France ne considérait pas l'Algérie comme une colonie mais plutôt comme faisant partie intégrante de son territoire. L'indépendance de 1962, un moment charnière dans la décolonisation mondiale, a précédé une période très sombre ponctuée d'attentats terroristes, de répression, de contre-terrorisme, de guerre civile, de tortures et autres, avec en somme un atroce conflit souvent politique et idéologique.
La France ne considérait pas l’Algérie comme une colonie mais plutôt comme faisant partie intégrante de son territoire
Bouches cousues
Belvaux n'aborde pas la sale guerre en soi, mais se penche plutôt sur le groupe de jeunes Français envoyés en Algérie pour "devenir des hommes" et qui ont vécu un cauchemar. Après leur retour en France, personne ne leur permettait de faire le récit des atrocités qu'ils avaient vécues. Pas uniquement à cause du traumatisme encouru mais parce qu'une partie des Français les accusait de crimes de guerre et qu'une autre ne voulait surtout pas se rappeler cette guerre honteuse et peu glorieuse et préférait faire comme si rien ne s'était passé.
Quarante ans après, le vétéran de guerre Rabut (Jean-Pierre Darroussin) semble avoir tout fait pour se refaire une vie normale, malgré tout. Son neveu Bernard, surnommé Feu-de-Bois pour une raison (incarné par l'imposant Gérard Depardieu), a glissé dans la répulsion, le racisme et la violence. Un cadeau d'anniversaire fait remonter à la surface leur passé refoulé mais jamais tout à fait accepté.
Gérard Depardieu dans le rôle de Bernard, surnommé Feu-de-Bois, qui a glissé dans la répulsion, le racisme et la violence.
Le silence écrasant est au centre de cette fresque ambitieuse, calme et peu marquante d'un point de vue stylistique. Leur petite histoire, qui fait des allers-retours entre passé et présent, est censée raconter la grande Histoire. Le recours à des phrases du roman éponyme adapté de Laurent Mauvignier rend le film parfois un peu scolaire. Mais bien écouter la leçon, c'est aussi apprendre des choses.
DES HOMMES
FR, dir.: Lucas Belvaux, act.: Gérard Depardieu, Jean-Pierre Darroussin, Catherine Frot
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