Le festival Pink Screens reporté, la Cinematek temporairement fermée ... Fred Arends, le programmateur derrière le cycle d'archives du cinéma queer Our Story, se charge de vous remonter le moral avec une sélection toute personnalisée de bons plans pour traverser l'hiver confiné.
Fred Arends: les bons plans d'un cinéphile pour survivre au confinement
En plus d’être un vétéran de l’équipe de programmation de Pink Screens, le festival bruxellois du cinéma queer le plus attendu de l’automne, Fred Arends est aussi à l’origine du cycle Our Story, attaché à Pink Screens, qui enrichit depuis 2017 la programmation de la Cinematek. Le pitch ? Une séance par mois destinée à revisiter les films LGBTQI+, queer et féministes qui ont jalonné l’histoire du septième art.
Entre films phares (Mort à Venise de Visconti, Pink Flamingos de John Waters, …) et perles rares à redécouvrir (Je, tu, il, elle de Chantal Akerman, Michael de Carl Theodor Dreyer, …), la sélection, intensément cinéphile, explore le passé du cinéma dans sa diversité, en dehors des sentiers battus et rebattus par les normes de genre. « Il ne faut pas oublier d’où l’on vient », dit Fred Arends. « L’Histoire du cinéma est marquée par la censure et les interdits. Il est important de savoir comment les cinéastes les ont contournés, comment les représentations des personnages homosexuels et trans, par exemple, ont évolué au cinéma. »
Sharon Stone n’a pas fait de chirurgie et elle est magnifique
Rembobiner l’Histoire avec un nouveau regard, c’est aussi ce que fait Black-out une BD sortie il y a quelques mois, chaleureusement conseillée par Fred Arends. Dans ce coup de génie en noir et blanc, Loo Hui Phang et Hugues Micol se proposent de narrer le destin (fictif ? Le doute est soigneusement entretenu) de Maximus Wyld, un acteur métis des années cinquante pris dans le rouleau compresseur hollywoodien, raciste et ségrégationniste. Descendant d’un chef comanche, d’esclaves affranchis et d’ouvriers chinois, Wyld n’en peut plus de devoir jouer les domestiques ou les indigènes assoiffés de sang.
Au fur et à mesure qu’il tente de gravir les échelons du star-system, c’est tout le mythe de l’âge d’or d’Hollywood qui s’effondre. « Et ça n’est pas brillant. À l’époque, la vie des acteurs et des actrices était réinventée par les studios, on teignait leurs cheveux et on leur imposait de la chirurgie esthétique pour rentrer dans les canons de la beauté hollywoodienne », dit Fred Arends. « Le code Hays du cinéma américain interdisait la représentation du sexe, de la prostitution et de l’homosexualité. Les réalisateurs et les réalisatrices ont dû se réinventer pour échapper à la censure. Dans un film de Hitchcock, par exemple, l’acte sexuel est représenté par un train qui entre dans un tunnel. »
L’appel de Netflix
Le voyage au pays du cinéma se poursuit avec une recommandation qui promet d’occuper plus d’une de vos soirées confinées: le lancement récent de LaCinetek en Belgique. Soit la mise en ligne des 50 films de chevet de réalisateurs du monde entier. De Jacques Audiard à Agnès Varda en passant par Damien Chazelle, Naomi Kawase ou encore Céline Sciamma. Parmi les films listés, beaucoup sont disponibles à la location. « C’est une superbe initiative qui permet de voyager un peu partout dans le cinéma. Un réalisateur comme Alain Guiraudie vous balade des Aventures de Pinocchio à La Nuit des morts-vivants en passant par du Bergman et du Tarkovski. »
Derrière chaque cinéphile, se cache un accro à Netflix. Voilà pourquoi Fred Arends vous encourage à craquer pour la nouvelle série signée Ryan Murphy (Hollywood, American Horror Story). Ratched invente un passé mouvementé à Mildred Ratched, l’infirmière glaçante du film culte de Miloš Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou.
« La série a une tout autre couleur que le film », dit Arends. « Elle est assez baroque, avec un côté gore et suspens sur le ton de la BD et des couleurs bien criardes. Les personnages sont extravagants, délirants, comme le cinéma les représente (trop) souvent quand il décrit un asile psychiatrique ». Et puis le casting est réjouissant. Sarah Paulson dans le rôle de Ratched mais aussi une Sharon Stone génialissime en vieille perverse milliardaire. Contrairement à d’autres, elle n’a pas fait de chirurgie, elle a le visage d’une femme de soixante ans et elle est magnifique. Je ne sais pas si on peut dire ça dans le Bruzz mais elle est vraiment bitch. »
PLEIN SOLEIL
Pour soulager vos yeux de ces intenses séances de binge-watching, place au son disco-house de Róisín Machine, le nouvel album de la chanteuse irlandaise Róisín Murphy. « Ça plane, ça vibre, ça souffle et ça met de bonne humeur. En cas de petit down, si vous êtes en télétravail et que vous n’en pouvez plus, ça vaut une balade d’une demi-heure au soleil ».
Les bons plans du confinement de Fred Arends se clôturent par la sortie du livre du sociologue franco-belge Laurent Gaissad, Hommes en chasse: Chroniques territoriales d’une sexualité secrète. Une enquête de terrain passionnante au cœur des lieux de drague masculins dans les espaces publics de Marseille, Toulouse et Barcelone. Des lieux qui malgré les politiques répressives et l’évolution des mœurs continuent d’exister.
« Ce sont des parcs, des aires d’autoroutes, des parkings, des sous-bois. Des espaces où les gens peuvent exprimer une sexualité avec une grande liberté et sans conversation spécialement. Il peut y avoir beaucoup de tendresse et d’amour. Ces espaces sont tabous et assez mal vus, je trouve ça chouette qu’une étude universitaire puisse en livrer un point de vue plutôt positif. » En cette période de pandémie, le livre se dote d’une résonance toute particulière. « Il invite à se poser des questions sur la drague au temps du Covid. Les parallèles avec l’épidémie du Sida il y a quarante ans sont assez frappants. »
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