Quoi de mieux en période de confinement forcé que de binge-watcher l'émission culte Strip-Tease? 250 épisodes sont désormais à voir gratuitement en ligne. C'est la RTBF qui régale, profitez-en !
Qu'on aime ou qu'on déteste, l'émission Strip-Tease, créée par Jean Libon (Ni Juge, ni Soumise) et Marco Lamensch en 1985, n'aura laissé aucun téléspectateur belge indifférent. On s'en souvient, les premiers à en dénoncer le voyeurisme étaient aussi les premiers à brancher leur téléviseur sur RTBF1 pour regarder ces tranches de vie déshabillées en prime time, après le JT.
Une mise à nu tantôt ironique tantôt désenchantée, souvent poétique, à laquelle aucune couche sociale ni communauté ne devait échapper. Grosses fortunes, gens de pouvoir (le monde de la politique belge ne s'est jamais complètement remis de l'épisode Une délégation de très haut niveau filmé en 2000 en Corée du Nord), petites gens, gens de spiritualité et de religion, flics et assassins, faux et vrais fous. Tous pris sur le vif (au piège, diront certains) du caractère extraordinairement ordinaire de leur existence.
Puisque, rappelons-le, le merveilleux pari des concepteurs de la série était de loger la banalité du réel à la même enseigne que la fiction. En somme, filmer un documentaire comme on tournerait et monterait un film de cinéma, sans oublier le rôle crucial du casting. Joachim Lafosse et Benoît Mariage – voir l'épisode À Fond La Caisse – s'y sont par exemple frottés avec succès.
Héritier de la série Faits Divers (ces joyaux du cinéma documentaire belge, signés Jean-Jacques Péché et Pierre Manuel, sont à voir sur le site de la Sonuma), Strip-Tease en conservait le langage cinématographique tout en se délestant d'un certain didactisme incarné par une voix off bienveillante. En résultèrent des perles du cinéma d'auteur dont le format court et audacieux (une dizaine de minutes hormis épisodes spéciaux) aura permis de repousser les limites du genre, faisant du réel le terrain des expérimentations les plus troublantes et les plus inattendues. On pense, parmi tant d'autres, à Prison d'amour. Réalisé par le père spirituel de l'émission Manu Bonmariage, l'épisode devait déboucher sur son long-métrage culte Les Amants d'Assises.
Voyage dans le temps
Histoire de nous consoler du confinement, la RTBF met donc généreusement à disposition sur son site de replay 250 épisodes de Strip-Tease, provoquant un enthousiasme généralisé aussi bien du côté belge que français. Arrivée en 1992 chez nos voisins, l'émission diffusée sur France 3 devait générer ses propres épisodes collector tels que La Soucoupe et le Perroquet.
En voilà un beau cadeau, rempli de promesses d'évasion au royaume de la nostalgie, ce pays épargné par le COVID-19 et l'anxiété ambiante. Mais au-delà du réconfort régressif dans lequel le binge-watching des nombreux épisodes ne manquera pas de vous plonger, le temps qui sépare Strip-Tease du monde à bout de souffle qui est le nôtre fait de l'émission un réservoir d'archives aussi stupéfiant que confrontant.
Car la société mise à nu il y a dix, vingt ou trente ans n'est pas celle d'aujourd'hui, même si elle en contient toutes les prémices. Et le rapport à l'image s'en trouve lui aussi changé. Les fondateurs de l'émission aiment à le rappeler, à l'heure de la téléréalité et des réseaux sociaux, filmer le réel comme jadis on filmait un Strip-Tease serait tout bonnement de l'ordre de l'impossible.
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