Après des films cultes marquants et provocateurs sur le sexe, la drogue et la violence, Gaspar Noé surprend tout le monde avec son nouveau film Vortex : un chef-d'œuvre sur la détérioration mentale et le fait – tout aussi cruel – d'assister au déclin d'un proche.
'Vortex' : l'Alzheimer selon Gaspar Noé
La vie est une courte fête qui sera vite oubliée. On n'est de passage sur terre que quelques instants avant d'être oubliés sans pardon. Et il est tout à fait probable que la fête se termine avant même le dernier coup de sifflet. Par exemple, à cause d'un état de confusion entraîné par la démence, des lésions cérébrales ou la maladie d'Alzheimer. Ou parce que nous devons veiller sur un proche terrorisé à l'idée de vivre un tel bad trip sans fin.
Gaspar Noé a réalisé un film fort sur cette dure réalité qui n'a rien à envier aux œuvres sur la vieillesse primées comme Amour de Michael Haneke ou The Father de Florian Zeller. Vortex est dédié "À tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur". Et malheureusement, cela fait beaucoup de monde. Même si la terreur d'Alzheimer n'est pas édulcorée et que Noé n'est pas vraiment connu pour son côté tendre, le film est vraiment poignant.
'Vortex' est une évocation sombre, sobre et quasiment documentaire de la vie quotidienne d’un couple qui a vieilli ensemble et qui se déchire sans pitié à cause de la maladie d’Alzheimer
Irréversible dégénérescence
Cette fois encore, le réalisateur d'Irréversible, Enter The Void ou Climax, qui aime provoquer mais pas forcément gratuitement, étonne par son ingéniosité cinématographique. Il maîtrise les procédés cinématographiques qui rendent une œuvre particulière, expressive et audacieuse.
Vortex est une évocation sombre, sobre et quasiment documentaire de la vie quotidienne d'un couple qui a vieilli ensemble et qui se déchire sans pitié à cause de la maladie d'Alzheimer. Cet isolement quasiment intenable est exprimé à l'aide d'un écran divisé qui perdure presque tout au long du film. Une moitié montre la femme qui se détériore mentalement, l'autre, l'époux désespéré qui assiste à son déclin. On ne dit pas leur nom. Cela arrive à tout le monde, père, grand-mère, amoureux, âme sœur depuis des années. Selon Noé, l'écran divisé et le fait que vos yeux passent constamment d'une image à l'autre fait que vous entrez dans un état de transe. Une chose est sûre : on se perd facilement dans l'enchaînement de scènes quotidiennes qui ont hélas perdu leur banalité.
Le casting improbable est une véritable réussite. C'est à Françoise Lebrun, qui interprétait le rôle principal dans La Maman et la putain de Jean Eustache, que revient la tâche ardue d'incarner la femme âgée démente et de plus en plus effrayée, en évitant le cliché misérabiliste. Et la performance de son mari, acteur sans expérience, est encore plus époustouflante. Noé a réussi à convaincre Dario Argento, le légendaire réalisateur de films d'horreur stylisés comme Suspiria ou L'uccello dalle piume di cristallo. L'humoriste français Alex Lutz étonne dans le rôle du fils souffrant d'addiction qui voit, impuissant, ses parents s'embourber de plus en plus.
Le film le plus cruel à ce jour de Noé est aussi son film le plus empathique et émouvant, entre autres grâce à une mélancolie réconfortante. Un extrait de la magnifique Françoise Hardy jeune qui chante merveilleusement 'Mon amie la rose' met en avant ce qui n'est pas dit dans le film. Déjà je ne suis plus.
VORTEX
FR, dir. : Gaspar Noé, act. : Françoise Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz
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