Touchée par la grâce, la chanteuse gantoise An Pierlé abandonne quelques mélodies divines sous un clocher. L’occasion d’associer sa voix d’ange aux propriétés mystiques d’un orgue d’église. Entre glamour et confessions, son album Arches est une révélation.
Les Nuits: An Pierlé
Après avoir conçu la bande originale du Tout Nouveau Testament, film réalisé entre ciel et terre par Jaco Van Dormael, An Pierlé s’aménage un bout de paradis sous les voûtes d’une église. C’est ici que la chanteuse entrevoit la lumière. Voix divine et diable au corps, l’artiste en profite pour imaginer des mélodies profilées pour épouser les notes d’un orgue. Entre trip médiéval, chants grégoriens et pop oblitérée sous les paillettes des années 1980, l’album Arches explore de nouvelles sonorités et inonde le monde de chansons à la beauté sacrée (Changing Tides, Certain Days, Vibra). Un univers singulier qui révélera ses mystères, ce jeudi, dans l’antre de l’église des Dominicains.
Pour Arches, tout commence dans l’église Saint-Jacques de Gand. Pouvez-vous retracer la genèse de ce projet particulier ?
An Pierlé : En 2012, j’ai reçu un titre honorifique : « Compositrice officielle » de la ville de Gand. Dans ce cadre, j’ai pu utiliser l’espace urbain comme médium pour ma musique. Depuis des années, j’entretenais le rêve de composer une œuvre à l’aide d’un orgue d’église. C’est un instrument un peu sacré : un objet qu’on peut approcher, mais rarement toucher. Là, l’occasion était trop belle ! J’ai rencontré Karel De Wilde, un jeune organiste qui souhaitait explorer les traditions de la musique pop à l’aide de son instrument. De mon côté, je disposais de quelques démos. C’est comme ça que nous avons commencé, en essayant de transposer mes idées via l’orgue de l’église Saint-Jacques.
Pierlé : Pas du tout. D’ailleurs, je suis incapable d’en jouer correctement. Être accompagnée par un organiste, ça me permet de chanter autrement. En ce sens, Arches m’a demandé d’aborder la création dans un état d’esprit différent. Pour ça, il s’agit certainement d’un renouveau artistique.
Arches constitue la première partie d’une œuvre en deux volets. La suite devrait arriver après l’été sous le titre Cluster. Pourquoi scinder ces deux enregistrements ?
Pierlé : Arches est un premier pas. J’ai ressenti le besoin d’aller plus loin dans cette formule. Au fil des compos, j’ai aussi été confrontée à une autre question : comment présenter les chansons de façon cohérente ? Je voulais trouver un équilibre entre les morceaux pensés pour l’orgue et ceux plus orientés vers la pop. Il fallait éviter de sortir un disque trop cérébral, trop lourd ou oppressant. Sur Arches, par exemple, il n’y a que huit titres. Ce n’est jamais indigeste. Découper le projet en deux parties distinctes, c’était une façon de rendre les choses plus lisibles et agréables à l’écoute : un juste milieu entre la force du son déployée par l’orgue et la légèreté qui découle des mélodies pop.
Les paroles des chansons endossent-elles une dimension spirituelle, mystique ou religieuse ?
Pierlé : Même dans un registre hyper pop, je ne suis pas très douée pour écrire des textes légers. Mes chansons découlent d’une écriture automatique. Quand j’ai composé Arches, j’étais immergée dans les réalités du contexte social. Il y a une certaine méfiance à l’égard du futur, parfois même de la peur, dans les paroles des chansons. Pourtant, ces morceaux sont arrivés bien avant les attentats de Bruxelles... Cet album s’est construit entre 2012 et 2015. De nombreux thèmes qui y sont abordés trouvent aujourd’hui d’étranges répercussions dans l’actualité. C’est religieux dans le sens où je chante des convictions personnelles, des croyances profondes. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une religion déterminée.
Quand on défend un registre piano-voix ou orgue-voix, qu’on jongle avec l’exubérance de la pop et l’esthétique gothique, est-ce évident de se soustraire aux canevas des figures (sacrées) de Kate Bush et Tori Amos ?
Pierlé : La référence à Kate Bush, je peux la comprendre. Cette femme s’est constamment portée à l’avant-garde. Elle a toujours expérimenté d’autres façons de concevoir la pop. Par contre, Tori Amos, j’adhère moins. D’un point de vue féminin, je me sens plus proche des premiers tubes d’Eurythmics ou de la discographie de Siouxsie and the Banshees, par exemple. Évidemment, ce sont des influences qui se remarquent moins. Parce qu’on s’en tient généralement aux clichés associés à l’image de la fille avec son piano. À la limite, je pourrais piquer des idées chez John Cale ou Robert Wyatt sans que personne ne le remarque. Mais, en tant que chanteuse, je ne serai jamais comparée à ces artistes masculins. C’est assez stupide et souvent frustrant... Musicalement, les plus grandes influences du nouvel album sont certainement Nico, Bowie et Messiaen. Et puis, il y a toujours Talk Talk et l’œuvre solo de Mark Hollis.
Arches a été produit sous le regard avisé de Koen Gisen, votre compagnon. Travailler au quotidien avec son conjoint, c’est une question d’équilibre dans votre couple ?
Pierlé : Nous avons composé les arrangements ensemble pour le morceau Dragon JM. Du reste, j’ai produit pas mal de choses par moi-même. Ceci dit, c’est super d’avoir Koen à mes côtés. Quand il travaille sur des productions extérieures (Bony King, Flying Horseman, Robbing Millions - Ndlr), je suis souvent en phase avec ses choix, idées et suggestions. Si j’estime son travail pour les autres, il n’y a pas de raison pour que je ne lui fasse pas confiance pour mes propres chansons.
12/5, 19.45, Dominicanenkerk/Église des Dominicains, www.botanique.be
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