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Interview

Le retour à Bruxelles du succès théâtral 'L’Enfant Sauvage'

Sophie Soukias
© BRUZZ
28/02/2017

L'Enfant Sauvage fut créé début 2016 à Bruxelles dans l'espoir d'attirer l'attention sur les enfants en attente d'une famille d'accueil. Nous profitons de son retour dans la capitale pour interroger Céline Delbecq et Thierry Hellin sur les résonances concrètes de ce succès théâtral.

Nous avons donné rendez-vous à l'auteure et metteuse en scène Céline Delbecq (Cie de la Bête Noire) et à l'acteur Thierry Hellin dans un café de la Place du Jeu de Balle dans les Marolles, là où le monologue de L'Enfant Sauvage débute. Alors qu'il est en route pour manger un stoemp avec ses collègues, un homme ordinaire croise le destin d'une enfant sauvage.

Refusant de l'abandonner à son sort, il se met en tête de devenir son père d'accueil. Commence pour cet homme un réel parcours du combattant, judiciaire et administratif, qui l'entraîne dans les réalités dures et complexes des enfants placés par le juge. Retour sur ce spectacle " solidaire et collectif " qui a conquis la critique et qui continue de faire le tour de la Belgique.

Comment le projet est-il né?
Céline Delbecq : J'ai fait beaucoup de bénévolat dans des institutions d'enfants et d'adolescents placés par le juge. L'écriture de L'Enfant Sauvage m'a remuée car ces jeunes que je connais ne quittaient pas mon esprit. Au début, il était question d'une enfant sauvage et puis le protagoniste est devenu un parent d'accueil parce que si je donnais la parole à une petite fille, elle allait parler de ses parents, parce qu'elle est la conséquence de leur histoire. Moi, je voulais qu'on parle d'elle. J'ai choisi un père et non une mère d'accueil parce que tout le monde attend d'une femme de recueillir un enfant abandonné. Il fallait que ce soit un homme.

Le fait que le protagoniste soit un parent d'accueil facilite l'identification du public?
Delbecq : Tout à fait. Chaque spectacle est suivi d'une rencontre avec des associations de parrainage et les questions sont généralement très concrètes. Les gens demandent s'il faut une chambre supplémentaire pour accueillir un enfant. Les retombées ont été très positives.

Thierry Hellin : Ce qui facilite aussi l'identification c'est qu'il s'agit d'un homme ordinaire, un célibataire qui vit seul. Il n'incarne pas la famille type avec un père et une mère. Les gens comprennent qu'il n'y a pas de règle, qu'un homme seul ou un couple homosexuel sont aussi des potentiels parents d'accueil.

Thierry Hellin, comment on fait pour se mettre dans la peau d'un père d'accueil?
Hellin : Céline m'a beaucoup parlé. Et je me suis référé à mon rapport intime à l'engagement et à la paternité. Quand j'ai lu le texte pour la première fois, j'étais en pleurs face à cet homme qui se lance, qui n'a pas peur d'y aller. J'ai pris mon téléphone et j'ai dit à Céline: je veux le faire!

Le théâtre est capable de faire bouger les choses, de changer le monde en un sens?
Delbecq : Si je n'avais pas cet espoir, je n'écrirais pas. Je veux que le spectacle puisse, peut-être pas changer les choses, mais au moins déplacer le regard sur quelque chose qu'on ne voit pas parce que c'est un peu complexe, parce qu'on n'a pas envie de le savoir.

Hellin : Le théâtre doit pouvoir provoquer quelque chose. On s'est démené pour que ce spectacle ait la plus grande diffusion possible. On a contacté une somme incalculable de personnes afin de multiplier les partenariats culturels et sociaux.

La vision qui est dépeinte du home dans L'Enfant Sauvage n'est pas très rose.
Delbecq : Ca a été une grosse bataille. Ce qu'il y a, c'est qu'il m'était impossible de parler du home autrement parce qu'il était évident que le père d'accueil ne pouvait pas porter cette institution dans son coeur car elle le coupait de son lien avec l'enfant. Je comprends que pour les éducateurs ça a été dur parce qu'ils font un métier de passion, mais la pièce ne se veut pas une description réaliste du home, seulement un point de vue.

Hellin : Dans un premier temps, le ministère de l'aide à la jeunesse, vers qui on s'était tournés pour obtenir des subsides, s'était enthousiasmé pour la thématique mais en voyant le spectacle ils sont allés jusqu'à décourager les gens de venir nous voir. Le ministère, qui voulait quelque chose de didactique et de pédagogique, estimait que notre spectacle donnait une vision misérabiliste, complexe et très dure de la réalité des enfants placés. Ils ont pris ça pour une attaque, or c'était une main tendue pour travailler ensemble.

Qu'est-ce qui vous gêne dans le théâtre didactique?
Hellin : C'est qu'on vous présente une succession de faits auxquels on donne des solutions très pratiques. On vous indique comment penser. Le texte de Céline n'est pas du tout écrit comme ça. C'est du théâtre, ce n'est pas une histoire vraie mais plutôt une vraie histoire.

Delbecq : Ce qui compte pour moi c'est d'arriver à toucher le spectateur. S'il est touché, il va se poser des questions. À partir du moment où on lui donne des réponses, il arrête de réfléchir.

> L'Enfant sauvage. 07/03 > 18/03, Le Rideau @ Atelier 210, Etterbeek

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