1540 Anima Ardens Hichem Dahes 15

Anima Ardens: Le souffle de la transe

Gilles Bechet
© BRUZZ
27/09/2016

Dans Anima Ardens, Thierry Smits fait danser onze hommes nus qui vont user de leur corps, de leur souffle et de leur voix pour gagner crescendo les limites des pratiques de transe.

Chorégraphe intuitif, Thierry Smits n'aime pas se répéter, mais il aime aller jusqu'au bout de ses idées, quitte à parfois susciter la polémique. Il pense le corps comme ultime espace de liberté pour que chaque spectacle de la compagnie Thor, qu'il a fondée en 1990, se démarque du précédent. Après le cabaret joyeux et subversif de Cocktails et le solo puissant de Nicola Leahey dans ReVoLt, il rassemble onze hommes qu'il déshabille pour les envelopper de mystère et capter toute leur énergie collective.

Faire danser onze hommes nus n'est-ce pas un risque de faire parler du spectacle pour de mauvaises raisons ?
Thierry Smits : Non je ne crois pas. Les spectateurs n'y feront plus attention après une dizaine de minutes. Mais quoi qu'on en dise, la nudité n'est pas anodine. Dans une société qui tend vers le contrôle absolu et vers la pudibonderie, les artistes se doivent de réagir. J'ai aussi voulu que les danseurs soient nus pour deux raisons. Un groupe masculin dégage une puissance spécifique qui est très intéressante à voir, mais je voulais effacer un côté machiste en les fragilisant. Je trouve que ça les humanise davantage, et ça renforce le processus d'identification. Et puis, en travaillant avec des danseurs qui présentent des couleurs de peau hétérogènes, j'ai voulu donner l'impression d'avoir un morceau d'humanité sur scène.

Quel est le fil rouge du spectacle ?
Smits : Il est construit en trois parties. La première joue sur le collectif en emmenant le spectateur dans le mystère avec un chœur étrange. Dans la deuxième, on se recentre sur l'individu pour ensuite laisser parler des éléments de possession quand l'individu disparaît à nouveau dans la collectivité.

Pourquoi avoir voulu réunir onze danseurs ?
Smits : Avec onze danseurs, on peut dire que j'ai une troupe, un collectif. Ce n'est pas une solution de facilité. Il y a une énergie particulière qui se dégage quand un groupe de gens exécute quelque chose ensemble. Je ne recherche pas des danseurs académiques. Mais des gens qui ont une capacité de création. Les mouvements sont très simples, mais il n'en faut pas plus car l'énergie est très forte. Et moi, je suis comme un chef d'orchestre qui assemble les propositions.

Pour aller jusqu'à la transe ?
Smits : Trois mots-clés traversent le spectacle : transe, possession et transformation. Il y a dans ce travail un côté chamanique nourri par différents documents ethnologiques comme la musique et la transe de Gilbert Rouget ou encore les films de Jean Rouch. Je leur ai aussi montré des rites d'autoflagellation chiites quand des milliers de personnes s'assoient dans une place pour se flageller à sang. Ce sont des images percutantes qui provoquent un surplus d'imagination. On les a également nourris avec des performances contemporaines où on retrouve des éléments qui rappellent des cérémonies rituelles.

La transe est-elle le stade ultime de la concentration ?
Smits : Quand les personnes sont en transe, le type de désarticulation physique est très particulier. Anima Ardens est un travail sur la limite physique qui peut emmener le danseur ailleurs. Mais comme je n'ai pas arrêté de le répéter à mes danseurs, dans la transe, il y a une part de théâtralité. À un moment, un des garçons est parti dans un trip d'hyperventilation hors contrôle, ce n'est pas ça que je cherche sur scène, même si on peut jouer avec les limites.

Le spectacle s'accompagne de paysages sonores dus à Francisco Lopez, quel en est le rôle ?
Smits : J'ai découvert le travail de Francisco par hasard. En écoutant un de ses disques, j'ai eu l'impression que la musique disparaissait pour soudain recommencer à vivre, à pulser. Elle dégageait une puissance qui m'a fait penser au crescendo. Je l'ai rencontré et je lui ai présenté le projet. C'est la première fois que je travaille avec une bande-son déterminée à l'avance. C'est une expérience sonore très physique, c'est la musique qui est la scénographie et elle laisse énormément de place aux danseurs. La dimension sonore du spectacle ressort également du travail vocal réalisé avec Jean Fürst. Il n'a pas vraiment fait chanter les danseurs, mais il a fait tout un travail sur la respiration et sur le renforcement des bruits générés par le mouvement. Et par tout ce travail, il rend le spectacle encore plus percutant.

ANIMA ARDENS
6 > 29/10 & 30/11 > 10/12, Cie Thor, Théâtre Varia, Sint-Jooststraat 49, Sint-Joost-ten-Node

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Sint-Joost-ten-Node , Podium

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni