(© Hervé Kielwasser)
Nouara Naghouche est à la fois artiste, algérienne et alsacienne. Dans Sacrifices, elle monte sur scène pour mettre des petits bouts de sa vie sous le feu des projecteurs et rendre hommage à ces femmes qui, malgré tout, « ne lâchent pas l’affaire ». Un one woman show qui n’a pas peur de dire les choses comme elles sont, secouant.
« Je vais te buter. Pour qui tu te prends ? », « je vais te faire passer l’envie de te comporter comme une Française ». Dès les premiers mots du spectacle, balancés par un frère à sa sœur qui ne digère pas trop bien son mariage arrangé, le ton est donné. Dans Sacrifices (21 & 31/3, 20.30), Nouara Naghouche ne s’embarrasse pas de tabous et nous jette au visage le racisme au quotidien, les préjugés et surtout les violences faites aux femmes, qu’elles s’appellent Zoubida ou Marie-France, en amortissant ses uppercuts avec une bonne dose d’humour, d’autodérision et une générosité sans borne. « Je n’ai pas réfléchi aux ‘conséquences’ quand j’ai voulu parler de tout cela. C’était un cri du cœur, une sorte de thérapie pour moi, quelque chose qui avait besoin d’être dit ».
À quoi renvoient les Sacrifices du titre ?
Nouara Naghouche : C’est un peu le sacrifice de tout un chacun, mais ce sont surtout les sacrifices que font beaucoup de femmes, vis-à-vis de leur mari et vis-à-vis de leurs enfants.
Vous incarnez sur scène toute une galerie de personnages, beaucoup de femmes effectivement. S’agit-il de caricatures ou les avez-vous vraiment rencontrés ?
Naghouche : Ce ne sont pas des caricatures. Je force un peu les traits mais le contenu du spectacle est réel. Ça parle de ce que j’ai pu voir, entendre et vivre. Il y a sans doute là-dedans des choses violentes, mais qui sont essentielles à dire aujourd’hui.
Parmi les personnages, il y a par exemple Zoubida, femme maltraitée qui ne peut sortir de chez elle que pour aller faire les courses, qui écoute Radio Nostalgie en cachette et qui fait le ménage en dansant le zouk.
Naghouche : Zoubida me suit un peu partout depuis plusieurs années. C’est un personnage fort, important pour moi. C’est une femme de courage, exemplaire. Zoubida représente une personne qui m’est très chère, à qui j’ai toujours rendu hommage à travers mes spectacles. Zoubida, c’est ma maman. C’est elle qui m’a donné la force d’être la femme que je suis aujourd’hui. Mais ce spectacle est aussi un hommage à mon papa.
Pourtant vous dites des choses très dures à son sujet.
Naghouche : C’est un spectacle du pardon. Aujourd’hui - paix à son âme - mon père est entre les mains de Dieu.
Comment votre famille a-t-elle réagi face à ce spectacle très autobiographique ?
Naghouche : Ma famille a très bien réagi. Je pense qu’en racontant tout cela, en extériorisant cette souffrance, je les ai un peu soulagés. Au départ, je pensais travailler dans le social, je voulais commencer des études d’éducatrice. La scène, c’est venu par hasard et finalement, c’est le théâtre qui m’a permis d’aider les autres et de m’aider moi-même.
Vous parlez de violence faite aux femmes, mais vous montrez aussi qu’elle est loin de se limiter à la communauté musulmane.
Naghouche : Cette violence touche toutes les couches et toutes les classes sociales. On peut être bourgeoise et se manger des gnons. Il y en a beaucoup qui bastonnent leur femme, et pas que chez les gens socialement démunis. Ça se passe partout, faut pas rêver.
Le spectacle tourne depuis plusieurs années en France. Quelles sont les réactions du public ?
Naghouche : Tous les publics divers et variés que j’ai pu rencontrer m’ont permis de me dire que l’on vit encore dans une société où les gens réfléchissent et s’intéressent aux autres. Le public reçoit Sacrifices comme un spectacle qui peut être par moments touchant, par moments violent, mais globalement les réactions sont très positives. Il y a souvent des femmes qui viennent après me raconter leur histoire ou me dire que le spectacle leur a donné la force de dire stop à la violence qu’elles subissent. Ça a toujours été quelque chose d’hyper bouleversant pour moi. J’ai reçu des témoignages de femmes fortes qui pourraient en dire long, encore plus que moi, sur le comportement de certains hommes. Ce que je raconte dans le spectacle, c’est déjà beaucoup, mais il y a encore beaucoup à dire par rapport à ce que certaines femmes vivent.
Entre l'ici et l'ailleurs
Nouara Naghouche, Ben Hamidou, Jamila Drissi, Hamid Ben Mahi, Layla Rosa : ils sont nés « ici », en Belgique, en France ou en Grande-Bretagne, mais ils sont souvent considérés comme « autres » parmi nous. Les Halles leur laissent la parole, qu’elle soit théâtrale, dansée, chantée ou
acrobatique.
Battues, mais battantes
Ben Hamidou est un habitué des scènes belges, qu’il a notamment arpentées avec son complice Sam
Touzani dans Gembloux - À la recherche de l’armée oubliée. On l’a vu en imam dans le film Les Barons de Nabil Ben Yadir, il revient avec son seul en scène Sainte Fatima de Molem (22 > 24/3, 20.30), où il brosse un portrait tendre de la commune bruxelloise qui l’a vu grandir, Molenbeek. Belge elle aussi, c’est dans le Borinage que Jamila Drissi a passé son enfance. Elle était l’une des quatre interprètes des fameux Monologues voilés d’Adelheid Roosen. Dans L’Insoumise ou Scarlett O’Hara au pied du terril (27 & 28/3, 20.30 - photo © Véronique Vercheval), elle transforme les paysages grisâtres de la région du Centre en décor de western et retrace le destin de sa mère. Le Français Hamid Ben Mahi, formé notamment à l’école d’Alvin Ailey à New York, combine lui la danse hip-hop, la parole et la vidéo pour livrer un témoignage pudique et poignant dans son solo Faut qu’on parle ! (29 & 30/3, 20.00). Quant à Layla Rosa, artiste britannique d’origine saoudienne, ce sont les techniques du cirque - et en particulier le trapèze et la corde verticale - qu’elle pratique, voilée ou non. Spectacle sans paroles mais d’une éblouissante force visuelle, What if? (29 & 30/3, 21.30) interroge son identité et le regard sur la femme dans l’Islam. Cinq parcours, cinq façons de raconter cette génération un peu perdue parfois entre l’ici et l’ailleurs.
Nous autres ici
21 > 31/3 • €10/12/14/17 (Pass 3 soirées: €21)
Hallen van Schaarbeek/Halles de Schaerbeek Koninklijke Sint-Mariastraat 22A rue Royale Sainte-Marie, Schaarbeek/Schaerbeek, 02-218.21.07, www.halles.be
Nous autres ici
21 > 31/3 • €10/12/14/17 (Pass 3 soirées: €21)
Hallen van Schaarbeek/Halles de Schaerbeek Koninklijke Sint-Mariastraat 22A rue Royale Sainte-Marie, Schaarbeek/Schaerbeek, 02-218.21.07, www.halles.be
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