La toute nouvelle directrice du Théâtre Varia a vécu la période de confinement comme un repli sur son propre univers mais aussi, grâce à ses lectures et écoutes, comme une ouverture vers un imaginaire fort. Bienvenue dans la bulle de Coline Struyf.
Dans la bulle de Coline Struyf, nouvelle directrice du Théâtre Varia
C'est dans une période particulièrement difficile pour les arts vivants que Coline Struyf a appris sa nomination au poste de Directrice générale et artistique du Théâtre Varia. Son dossier de candidature rédigé pendant le confinement en est forcément contaminé. "Ça m'a donné envie de proposer un projet optimiste qui renforce les valeurs d'entraide, de coopération et de bienveillance."
Il est nécessaire de réhabiliter des modèles de combattantes au sens de résistantes qui agissent pour faire passer leurs convictions
Pour la jeune directrice, également autrice et metteuse en scène, ces derniers mois ont été mobilisés par l'écriture et les premières répétitions de son prochain spectacle, toujours prévu pour la rentrée de septembre. Intitulé Dans la nuit, il suit différents personnages impliqués ou affectés par une insurrection qui déborde la ville. C'est un spectacle qui interroge la légitimité du basculement de la désobéissance civile à la violence.
CELLES QUI RÉSISTENT
Dans cette période accaparée par son projet théâtral, son premier choix de lecture est l'ouvrage collectif Combattantes. Une histoire de la violence des femmes en Occident, publié sous la direction de Martial Poirson. "Ça remet en lumière des femmes, héroïnes du quotidien, qui ont mené des combats dans le cadre d'actions de désobéissance civile. On a trop souvent l'habitude de voir les femmes d'abord comme des figures victimaires. Elles sont souvent représentées comme des êtres fragiles. Il est nécessaire de réhabiliter des modèles de combattantes au sens de résistantes qui agissent pour faire passer leurs convictions."
En 2018 avec Ce qui arrive, elle avait adapté Ici de Richard McGuire. On ne s'étonnera pas que les romans graphiques se retrouvent en bonne place sur ses étagères. Son dernier coup de cœur se porte sur L'accident de chasse de David L. Carlson et Landis Blair, qui raconte la retrouvaille-confrontation entre un fils et son père aveugle où un crime atroce de la mafia à Chicago rencontre l'enfer de Dante.
"Ce qui m'attire dans les romans graphiques, c'est comment ils mènent leur narration à travers des images qui ne décrivent pas une action ou une situation mais passent par le sensitif pour ouvrir à des champs autres que celui de notre quotidien. Ici, ce qui m'intéresse, ce n'est pas tant l'histoire que la manière avec laquelle le paysage finit par être imprégné du point de vue et de la sensibilité d'un personnage."
Souvent interrogé en ces temps de pandémie pour ses analyses sans concessions de la vie en société, Alain Damasio est un observateur avisé, doublé d'un romancier à l'imaginaire puissant. "Sa manière de percevoir le monde m'intéresse et c'est ce qui m'a donné envie de lire La Horde du Contrevent." L'ouvrage nous plonge dans un monde d'après la catastrophe où la planète est balayée par des vents d'une grande violence. Dans un paysage dévasté, une communauté tente de remonter à l'origine du vent dans l'espoir d'apaiser le monde.
"Au plus ils remontent le vent, au plus son impact devient violent. C'est une étude de la résilience qui passe par le corps. Notre vrai capteur du réel, c'est le corps. Je ne sépare jamais l'intelligence du corps. Et le théâtre interroge fondamentalement ce corps comme un outil de perception et de mise en lien. On peut tenter de se défaire de cette imposition biologique, mais elle nous rattrape."
À TABLE !
Se nourrir est assurément une de nos fonctions biologiques indispensables, mais cela peut être bien plus que ça quand elle est occasion de partager. C'est ce qui a attiré Coline vers La Table d'Aline de la cuisinière instagrameuse Aline Gerard. "Bien plus qu'un livre de cuisine, c'est déjà un très bel objet avec de belles photos et une présentation soignée. Mais ce qui m'a surtout séduite, c'est le ton du livre qui considère la cuisine comme une histoire d'amitié, d'amour et de famille. Je l'ai lu comme un roman. On le goûte en le lisant. L'écriture adopte une adresse amicale et assez directe qui vient chercher le lecteur. Je le lis, je le referme et après seulement, je commence à faire la cuisine."
Ces derniers mois, Coline Struyf a aussi fait de l'écoute de podcasts et particulièrement ceux hébergés par la plateforme Binge Audio. "J'apprécie la manière avec laquelle Les couilles sur la table et Kiffe ta race abordent les questions de racisme et de sexisme. C'est direct, joyeux et ludique sans jamais être donneur de leçons. J'aime beaucoup aussi La Dose qui répond de manière claire et complète à des questions complexes posées par les auditeurs en faisant appel à des spécialistes. Quand l'émotion n'est pas coupée de l'intelligence et que la poésie n'exclut pas l'analyse, ça fonctionne. C'est nécessaire de les entremêler."
Pour ajouter une bande son à ces lectures, elle nous conseille The Crossing, le dernier EP de River into Lake, le projet musical de Boris Gronemberger. "Il y a dans cette musique quelque chose de joyeux et dynamique couplé à une douceur et une mélancolie profonde qui en fait un voyage assez entêtant."
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