Politique, érotique et identitaire, les corps des quatre danseuses françaises de la Nach Van Van Company puisent dans le krump les bases d’un vocabulaire chorégraphique de révolte et de jubilation.
La compagnie Nach Van Van danse la révolte
Elles sont quatre et elles dansent comme si elles étaient entre elles, entre femmes. Les corps s’étirent et se jaugent, les yeux dans les yeux. Ça râle et ça éructe. On passe du défi au jeu. Et de l’autodérision à la révolte. Ce sont des enfants, des poseuses, des rêveuses et des guerrières. Dans les silences, on entend les souffles et les voix. Leurs mouvements déstructurés semblent parfois sortir d’un cartoon fétichiste passé au ralenti puis en vitesse accélérée.
Chorégraphe et performeuse, Nach signe avec Elles disent sa première pièce de groupe écrite en plateau avec Sophie Palmer, Manon Falgoux et Adelaide Desseauve. Un quartette féminin qui compose des récits chorégraphiques entrelacés autour de leurs corps singuliers en inventant des codes qui n’appartiennent qu’à elles. Le spectateur n’est pas pour autant tenu à l’écart, car la générosité dans le partage et l’inventivité ludique que déploient les quatre danseuses sur scène est contagieuse.
Tour à tour, les danseuses se lancent dans des solos, sans pour autant que les liens, avec les autres et entre les autres, perdent de leur force. « On arrive par moments dans un état où on a l’impression qu’on est en train de danser pour les autres et inversement, quand on regarde l’une d’entre nous danser au milieu, c’est comme si elle a pris des parts de nous. Quelque chose nous interconnecte, l’invisible nous traverse et on le rend visible avec nos gestes. » confie Sophie Palmer.
« Quand on regarde l’une d’entre nous danser au milieu, c’est comme si elle a pris des parts de nous »
À la base du travail et de la recherche de Nach, il y a le krump. Aux codes gestuels, protocoles de rassemblement et de dialogue de cette danse de la rage née dans le ghetto de Los Angeles au début des années 2000 sont venus s’imbriquer d’autres influences venues du flamenco ou de la danse contemporaine. « Comme le krump, le flamenco est né dans la rue. Ça se danse en cercle, il y a la communauté qui encourage la soliste. C’est un travail avec le rythme, le rituel, la terre, la communauté. »
Derrière ces postures déroutantes, il y a une révolte, celle de toutes les violences imposées aux femmes. Les visages sont comme des masques qui parfois tournent au grotesque et lâchent des cris entre souffrance et sarcasme. Par moments, les quatre danseuses semblent possédées.
« On va puiser dans les mémoires corporelles de tout ce qu’on a vécu et qu’on nous a fait subir pour nous porter dans des états où tu déconnectes un peu avec le cerveau. » Indissociables du physique, il y a aussi le son et les voix qu’elles modulent comme les mouvements du corps dans des collages de mots-valises d’esprit dadaïste. Elles disent, elles dansent, elles sont.
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