Dans son nouveau spectacle, monté avec la complicité de Thomas Gunzig, la chorégraphe Michèle Anne De Mey a rassemblé danseurs, acteurs, musiciens, circassiens et un chien, pour un récit dansé impressionniste sur la trame des souvenirs communs ou secrets.
L’écume de la mémoire dans le nouveau spectale de Michèle Anne De Mey
En sortant de son spectacle Memories, créé en 2016, la chorégraphe Michèle Anne De Mey était poursuivie par des interrogations qui touchent au départ, à la séparation et aux adieux, ainsi qu’au rapport intime que ces questions entretiennent avec la mémoire. Dans les spectacles Kiss & Cry et Cold Blood, réalisés en collaboration avec le cinéaste Jaco Van Dormael et le romancier Thomas Gunzig, elle a trouvé le plaisir et l’énergie d’une création collective. Dans son nouveau spectacle, elle a voulu poursuivre cette expérience collective en travaillant à nouveau avec Thomas Gunzig. River réunit huit personnages incarnés par un casting hétérogène de générations différentes où se retrouvent danseurs, acteurs, musiciens, circassiens et même un chien. Unis par le langage commun de la danse, ils racontent, à travers gestes et paroles, ce qu’on abandonne et ce qui nous suit quand on quitte une maison.
River se présente comme une « fiction dansée », que recouvre ce concept pour vous ?
Michèle Anne De Mey : J’ai remarqué que dans tous mes spectacles chorégraphiques antérieurs, les interprètes sont toujours des personnages. Je ne les ai jamais traités comme des corps abstraits ou comme des situations de musique pour un concert chorégraphique. Il y a toujours des mises en situation, des histoires qu’on se raconte entre nous, même si ce ne sont pas celles qu’on raconte au public. Les lignes de force sont des narrations abstraites qui amènent le public à des suggestions de situations qui ne sont pas forcément les nôtres. Il y a ainsi des choses récurrentes dans Sinfonia Eroïca, Un Jour la Nuit, Katamenia et Raining Dogs qui sont pourtant tous différents.
Et puis il y a l’expérience du travail collectif sur Kiss & Cry et Cold Blood ?
De Mey : Ça a été une grande claque et une super belle aventure entre les personnes et au niveau de l’esprit de la création. Sur le plateau, tout le monde pouvait se mêler de tout. On était comme des gamins dans ce grand atelier à rechercher des scènes, des choses et des sensations. Chaque force, l’écriture, le scénario, le cinéma et la danse se sont mis ensemble dans l’abstrait de la narration pour arriver à un spectacle qui raconte une histoire et donne des images. Pour moi, aussi bien que pour les interprètes qui le défendent ou pour le public, on touche des cordes d’entendement avec des histoires qui n’existent pas seulement à cause du film, de l’écriture ou de la danse, mais à cause de toutes ces choses réunies.
Dans ce spectacle, il y avait aussi l’envie de faire danser des comédiens ou des circassiens qui ne sont pas des danseurs professionnels ?
De Mey : Ça appartient au même fantasme, au même désir. Quand je prends des gens comme Didier De Neck ou Alexandre Trocki, c’est parce que quand ils bougent, ils ne font pas le danseur et je suis tout à fait séduite par ce que ça donne. Quand je mets ma chienne Zaza sur le plateau, c’est pour raconter une histoire et mettre en scène des univers, des âges et des disciplines différentes, pour avoir cette richesse et trouver un langage commun. Un danseur va jouer des situations et un comédien va rejoindre le mouvement, pas dans sa maladresse, mais dans sa beauté. Et ça, ça m’intéresse.
Comment avez-vous abordé l’écriture, étaient-ce des thèmes qui vous parlaient au départ ?
Thomas Gunzig: L’écriture est un médium très puissant. Tout ce qu’on va voir sur scène va avoir tendance à ressembler à ce qui est écrit, si c’est écrit à l’avance. Au départ, j’avais juste le pitch, qui était cette histoire de maison avec la thématique des adieux et des souvenirs. Je n’ai pas écrit grand-chose à l’avance pour laisser la dynamique du spectacle se construire. Dans un second temps, il faut être attentif à ce qui est présent sur le plateau pour laisser l’écriture donner une meilleure inflexion à ce qui se passe, et avoir un fil conducteur, qui donne du sens ou pas de sens. C’est un moment assez délicat. C’est de la dentelle narrative, il faut que ce qui existe sans texte soit tiré vers le haut par le texte, pas vers le bas, pour unir les deux de manière harmonieuse.
River associe les adieux et la mémoire, sont-ils indissociables pour vous ?
Gunzig: Les souvenirs et la mémoire sont les deux faces d’une même pièce. Il n’y a pas de souvenirs sans mémoire et il n’y a pas de mémoire sans souvenirs.
De Mey : Tout est contenu dans le pitch de départ avec une famille de générations différentes qui occupe une maison qui va être vendue et vidée, et qu’on va découvrir. Sans que rien ne soit explicite, on va voir comment ces gens ont habité la maison de leurs souvenirs. L’idée est assez simple. La rivière, c’est le mouvement. Et le temps, quelque chose qui coule et qui passe. Le jardin, c’est quelque chose qu’on peut déterrer, avec d’autres souvenirs, d’autres pensées. Les idées sont celles de chacun auxquelles on doit s’attacher ou se détacher. C’est tout à fait symbolique, c’est juste une manière de pouvoir jouer avec toutes ces émotions-là. Et bien sûr, tout ça est traversé par les idées d’adieux, que ce soit la mort de quelqu’un, que ce soit la vieillesse, que ce soit la perte de mémoire ou l’amour. Tout est lié. On parle de la petite histoire pour atteindre la grande histoire et laisser résonner les choses.
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