Pitcho Womba Konga est un homme aux multiples disciplines et aux multiples projets. Sa création théâtrale inspirée de James Baldwin, Fire Will Become Ashes, But Not Now, lui tient à cœur depuis longtemps. Identité, communauté et humanité sont les mots clés de sa production artistique. Portrait à fleur de peau.
Pitcho Womba Konga: 'Ce que je crée vient toujours de l'intérieur'
Pitcho Womba Konga en quelques dates
D’origine congolaise, arrive en Belgique dans les années quatre-vingt avec son père qui a fui le régime de Mobutu
En quête d’identité, il trouve refuge dans l’écriture et la culture hip-hop
Depuis 2003, il a sorti trois albums solos. S’est également produit au théâtre et au cinéma
2015 : lance le festival Congolisation
2016 : joue dans la création du KVS Malcolm X avant de mettre en scène Kuzikiliza
2019-2020 : crée Fire Will Become Ashes, But Not Now
Nous lui demandons à la fin de l’entretien s’il est un « artiviste ». Mais il y a quelque chose d’imperturbablement authentique chez Pitcho Womba Konga qui fait que ce genre de questions de journalistes distribuant des étiquettes ne prend pas avec lui. « Ce que je fais vient toujours de l’intérieur. Mes projets ne sont pas calculés. Si je lis un texte qui fait appel, ou dans lequel je vois des parallèles avec ce qui se passe en moi et autour de moi, j’ai envie de l’explorer davantage. Si être un artiviste signifie faire de l’art avec passion, avec un cœur, de l’humilité et de la conviction, alors oui. »
Donc au final, Pitcho est Pitcho. On peut dire ça comme ça. Depuis longtemps et toujours plus. Le rappeur, producteur, acteur et curateur d’origine congolaise a fui avec son père le régime de Mobutu dans les années quatre-vingt. À Bruxelles, il a trouvé refuge dans la culture hip-hop, d’abord principalement avec la musique – il a trois albums solos à son actif. Mais il s’est vite retrouvé sur les planches aussi. En tant que performeur, il a réalisé une tournée mondiale avec les spectacles de Peter Brook, Amadou Hampâté Bâ, Ruud Gielens et Joël Pommerat. Parallèlement, il a également interprété des rôles dans le thriller Wasteland (2014) et le court-métrage De Overkant (2015).
J’avais envie de crier qu’il y avait avec Baldwin déjà quelqu’un qui s’était penché sur certaines questions qu’on nous pose aujourd’hui
Après avoir joué dans Malcolm X au KVS, il a commencé à développer son propre travail. Il a présenté au TheaterFestival Kuzikiliza, qui faisait le saut de Lumumba à la décolonisation d’aujourd’hui. Cette saison, il a mis en scène The One (et demi) Man Show du groupe de Molenbeek Ras El Hanout, une pièce sur les hommes, les femmes, la misogynie et la violence physique. En tant que programmateur du festival Congolisation, il contribue à mettre en lumière les œuvres de la diaspora africaine.
La part du feu
Pitcho est heureux de pouvoir présenter la première de Fire Will Become Ashes, But Not Now, après toutes les péripéties du covid. Une performance multidisciplinaire qui s’inspire de l’essai The Fire Next Time de l’écrivain américain James Baldwin (1924-1987), que Pitcho porte en lui depuis longtemps. « La prochaine fois, le feu est arrivé dans ma vie il y a plus ou moins vingt ans, après avoir joué pour la première fois en tant qu’acteur professionnel dans Bintou de Rosa Gasquet. Elle voulait travailler autour de Baldwin, mais je devais partir en tournée avec Peter Brook. J’avais lu l’essai deux fois et je m’en souvenais toujours. Jusqu’à ce que les attentats de Bruxelles me paraissent le moment de ressortir le texte », dit l’artiste.
George, Adil, Mehdi et les autres
« Baldwin raconte la souffrance du peuple noir aux États-Unis, mais sans l’opposer à une autre communauté. Ça résonne d’ailleurs cruellement dans l’Europe d’aujourd’hui, avec tous ceux qui sont négligés – que ce soit à travers leur identité, religiosité, leur orientation sexuelle ou leur couleur de peau. Après les attentats à Bruxelles, et encore plus après la mort de George Floyd, Adil, Mehdi et les autres, j’avais envie de crier qu’il y avait avec Baldwin déjà quelqu’un qui s’était penché sur certaines questions qu’on nous pose aujourd’hui. »
Travailler ensemble sur une matière, c’est un cadeau magnifique qui n’a pas de prix
Pitcho partage également le même amour de l’art que Baldwin. « Pendant longtemps, seul Martin Luther King était un exemple. Puis j’ai entendu parler de la radicalité de Malcolm X. Mais Baldwin suit la voie de l’art, de la compréhension et de l’amour au sens large. Il souligne la complexité de l’être humain avec ses côtés à la fois beau et laid, rationnel et émotionnel, artistique et politique. »
La pluridisciplinarité reste une évidence pour Pitcho. « Je suis un rappeur. J’ai toujours été actif dans toutes les disciplines qui s’y rapportent, et le hip-hop transmet aussi réellement la force du collectif. Dans cette création, nous utilisons ce que chacun a à apporter : Priscilla Adade, Awoulath Alougbin, Jhaya Caupenne, Karim Kalonji, Laryssa Kim, Samantha Mavinga et Mike Van Alfen. Finalement, l’avantage qu’ont les artistes lorsqu’ils travaillent à des projets, c’est l’opportunité de pouvoir être ensemble et travailler ensemble sur une matière. C’est un cadeau magnifique qui n’a pas de prix. »
FIRE WILL BECOME ASHES, BUT NOT NOW
> 17/7, KVS BOX, www.kvs.be
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