La réalité nous échappe et puis elle revient et nous mord. Les artistes répondent par leur imaginaire. Dans son spectacle Science-fictions, Selma Alaoui regarde notre monde pour en imaginer un autre tel qu'il pourrait être dans cent ans.
Reality Bites: Selma Alaoui conjuge le présent au futur
En cette drôle de période où l'on ne sait déjà pas de quoi demain sera fait, c'est une sacrée gageure de se projeter 100 ans en avant pour nous regarder depuis là-bas. C'est ce que fait la comédienne et metteuse en scène Selma Alaoui dans son spectacle Science-fictions. "La science-fiction est un miroir du présent et un champ d'exploration d'autres manières de penser et de vivre ensemble. C'est un genre qui a échappé à beaucoup de contraintes, tout y est permis." Le projet est né il y a trois ans alors que nos sociétés craquaient déjà de partout.
Plongée dans des livres de collapsologie, la jeune femme n'y trouvait pas vraiment de quoi se réjouir. "J'y ai découvert plein de choses, mais c'était aussi très anxiogène et je voulais d'autres scénarios pour l'avenir. Ce qu'on vit maintenant me conforte dans cette nécessité de désirer d'autres futurs. On a eu ces derniers mois, de manière très concrète, une impression de vertige général. La plupart de nos certitudes s'effondrent avec la conscience de n'avoir aucune prise sur le cours des choses." Quand on imagine le futur, il faut faire des choix. Entre les lendemains qui chantent et l'effondrement, ce n'est jamais simple. "Imaginer un futur, ça nous renvoie à nos préjugés et nos schémas de pensée. Dans ce spectacle, on a préféré donner à imaginer plutôt que montrer."
Déclinaisons d'imaginaires
Science-fictions est plein de déclinaisons d'imaginaire. Il y a des moments sombres et trash et d'autres plus poétiques ou très concrets. C'est le possible plutôt que le probable. Selma Alaoui qui aime mélanger les genres et mêler la culture savante à la populaire a trouvé chez l'américaine Ursula K. Le Guin, une marraine spirituelle pour son projet. "C'est un auteur qui au-delà de son imaginaire a un regard anthropologique très intéressant sur notre humanité. Je n'ai pas retenu ses mots ni ses personnages, mais son mode de pensée." Elle a aussi trouvé de l'inspiration dans les expériences sociales alternatives qui voient le jour un peu partout ainsi que dans l'écoféminisme.
"Ce sont des militantes, parfois très radicales, animées d'un esprit anticapitaliste, antinucléaire et anti-patriarcal chez qui il y a un rapport à la nature et à la force du collectif qui m'intéresse." La communauté imaginée par Selma Alaoui en 2120 est traversée d'une spiritualité singulière teintée de paganisme et d'irrationnel. "La science ne connait pas toutes les réponses et n'a pas toutes les solutions. Dans une société à reconstruire, ce sont des pistes à explorer." Le spectacle Science-fictions va peut-être en désarçonner certains, mais il s'appuie sur une des grandes forces du théâtre, la magie de l'imaginaire. "On n'a pas les moyens d'un blockbuster" sourit-elle, "alors on joue beaucoup sur le hors-champ. C'est une invitation à quitter sa rationalité. Le théâtre, c'est un monde artificiel où l'on voit toutes les coutures. On doit se mettre d'accord pour y croire. C'est comme un courant qui trouve son chemin dans la salle en passant par l'imaginaire des spectateurs. Le théâtre, c'est un art millénaire qui dure et va durer longtemps. Voilà, j'ai fait ma prophétie." (rires)
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