La bug halluciné d'Aurore Fattier

Gilles Bechet
© BRUZZ
22/02/2018
1604 BUG

| Après une adaptation réussie d'Elisabeth II de Thomas Bernhard, Aurore Fattier revient au Varia avec Bug, une sombre pièce de théâtre imaginée par l'Américain Tracy Letts en 1996

La Bruxelloise Aurore Fattier adapte le huis clos cauchemardesque de Tracy Letts. Entre théâtre et cinéma, critique sociale et délire paranoïaque, les insectes trouvent toujours un espace pour s’y glisser.

Comment réagiriez-vous si un inconnu débarquait dans votre vie prétendant que des insectes grouillent sous sa peau et qu’ils lui auraient été inoculés par l’armée pour mieux le contrôler. Agnès, une serveuse de bar qui se cache d’un ex-mari violent, va se laisser entraîner dans une spirale d’amour et de folie.

Cette histoire, celle de Bug, portée à l’écran par William Friedkin est, au départ, une pièce de l'Américain Tracy Letts que la metteuse en scène Aurore Fattier monte au Théâtre Varia. Jouant avec les codes du théâtre comme avec ceux du cinéma, elle ose le théâtre de genre qui plonge le spectateur dans un univers cauchemardesque qui fait directement écho aux angoisses contemporaines.

La pièce était inédite en français, vous l’avez fait traduire, mais vous avez décidé de l’adapter, pourquoi ?
Aurore Fattier : Le film est un huis clos très américain par son esthétique et sa construction dramatique. Les personnages expriment une défiance vis-à-vis d’institutions au cœur de la société américaine comme l’État, l’armée et la mère. Je n’avais pas envie de faire un spectacle américain. Je voulais que le public soit touché au cœur par des références qui le concernent directement. On a donc choisi de transposer l’action aujourd’hui et de la situer à la Cité Modèle, à Laeken.

Tous les éléments de science-fiction de la pièce, écrite en 1996, datent un peu aujourd’hui. On a pris en compte tout ce qui a changé depuis. Les puces implantées sous la peau sont une réalité et la présence d’internet a complètement bouleversé la diffusion des informations, les fausses comme les vraies.

Qu’est-ce qui a constitué le fil rouge de cette adaptation ?
Fattier : Ce sont des personnages qui n’ont pas trouvé leur place. Elle a perdu son enfant. Et il a déserté l’armée. La question du déclassement est essentielle au récit. Il y a cette impression de tout perdre, quand on se retrouve seule dans une cité HLM. Cet aspect « critique sociale » est un peu le reflet de l’angoisse que tout le monde peut avoir à l’idée de se retrouver en marge de la société.

Mes personnages sont des gens comme on en croise dans le métro et à qui il arrive des choses extraordinaires

Aurore Fattier

Et puis, il y a les théories du complot qui aujourd’hui sont légion ?
Fattier : Elles sont alimentées par les craintes que suscitent l’emprise de la technologie sur nos vies. La façon dont la politique américaine se raconte aujourd’hui, avec un message très binaire entre le bien et le mal, favorise l'émergence de toutes ces théories délirantes. C’est une manière d’expliquer rationnellement les angoisses et ce qu’on ne comprend pas. Les gens qui s’égarent là-dedans se posent beaucoup de questions.

On y trouve un mélange de réalités fantasmées avec des choses qui existent et qu’il faut peut-être remettre en question. Le premier réflexe devrait être de vérifier ses sources, mais certains ne veulent ou ne peuvent pas le faire. Mon travail d’artiste à moi n’est pas de faire de la prévention mais de montrer comment les humains sont atteints par les angoisses de la société et comment ça peut se traduire par leurs idées et leurs actions.

Le fantastique demande un certain degré de réalisme, mais celui-ci n’a pas le même poids ni les mêmes outils au théâtre et au cinéma. Où avez-vous mis le curseur ?
Fattier : On a utilisé les ressources du théâtre, la présence du public, le jeu du comédien et son incarnation et puis l’aspect opératique de la scène. Et du cinéma, on a emprunté l’image et le langage des plans en combinant les images filmées à l’avance et les prises de vue en direct. On a cherché cette ligne toute ténue entre les artifices du théâtre et les besoins de l'histoire.

C’est un entre-deux permanent où l’on penche parfois d’un côté, parfois de l’autre. Au final, le public sait parfaitement que ce qui se passe sur la scène est joué, que c’est du faux, mais pourtant j’espère qu’ils va se laisser embarquer dans le délire de cette histoire.

Qu’est-ce qui a changé entre le premier projet sur papier et le spectacle proposé au public ?
Fattier : Les premières idées ont été développées autour d’une maquette du décor. Ensuite les comédiens sont arrivés et se sont approprié l’histoire par leur parole. Et le projet a évolué. J’ai rompu, plus que je ne m’y attendais, avec les codes du réalisme. Pour que ce soit plus théâtral, j’ai multiplié les codes théâtraux, comme ceux de la comédie.

On n’est plus du tout dans le réalisme, mais dans une réalité parallèle. C’est un travail d'horloger avec les acteurs comme avec la technique pour un résultat que je veux très populaire. Le fil narratif est extrêmement simple. Le public n’a pas besoin de références ou de préacquis.

Tout ce qu’on a besoin de savoir se passe sur le plateau. Les personnages sont des gens comme on en croise dans le métro et à qui il arrive des choses extraordinaires. J’aime ce côté décomplexé. Le public a droit à ça.

> BUG. 22/2 > 9/3, Théâtre Varia.

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