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| Requiem en L majeur, le rite de passage vers l'au-delà de Fabrizio Cassol et Alain Platel

Pour leur nouvelle collaboration, Fabrizio Cassol et Alain Platel se confrontent au deuil en ouvrant le Requiem de Mozart à des influences musicales métissées et en accompagnant les derniers moments de L. par un rituel où la tristesse et la compassion n’empêchent pas l’expression d’une certaine joie.

À l’issue de la première mondiale de Requiem pour L., à Berlin, les applaudissements ont duré de longues minutes. Pourtant, jusqu’au dernier moment Fabrizio Cassol et Alain Platel appréhendaient la réaction du public à ce projet hors norme. Soulagé, le musicien a souligné, reportant les propos de certains spectateurs que « Dans dix ans, les gens se diviseront en deux catégories ceux qui auront assisté aux premières représentations de ce spectacle et ceux qui ne l’auront pas vu ».

Dans cette nouvelle collaboration entre le compositeur et le chorégraphe, quatorze musiciens de plusieurs continents se rencontrent autour du Requiem de Mozart, la messe des morts que le génie viennois n’a pu achever avant son propre trépas. La musique d’influences africaines et de jazz, associée dans un décor minimaliste à des images pudiques des derniers instants de L. font du requiem un rite de passage vers l’au-delà empreint d’émotions puissantes et contrastées.

Les probabilités qu'un tel projet puisse se réaliser étaient infimes

Fabrizio Cassol

Comment est né ce projet ?
Fabrizio Cassol: Depuis le début, on a entre nous deux comme une espèce d’intuition spéciale qui fait notre secret, notre travail. J’avais une envie d’approcher le thème de la mort et je savais qu’il allait « mordre ». On a beaucoup discuté et on a eu envie d’imaginer une cérémonie différente de ce que nous avons l’habitude dans cette partie du monde. Et partager avec le public un rite de passage qui pouvait avoir un impact sur la vie de chacun.

Le Requiem de Mozart était une évidence ?
Cassol: Le Requiem est une œuvre culte monumentale, un symbole du deuil en Occident. C’est aussi une œuvre inachevée qui a été complétée par différents musiciens après la mort de Mozart. J’ai travaillé sur un fac-similé du manuscrit que j’ai trouvé dans la bibliothèque de Sylvain Cambreling (chef d'orchestre français, ndlr). On y voit très bien les ajouts des différents musiciens. Je me suis demandé: et si on enlevait tout ce qui n’était pas Mozart pour laisser place à d’autres formes d’expression ? J’ai alors cherché une sorte d’architecture musicale qui puisse porter l’émotion. Quand on écoute le Requiem, on est dans des émotions de groupe, ce qui était important pour moi c’était les émotions individuelles. J’ai choisi de travailler avec trois chanteurs sud-africains pour les parties lyriques, trois chanteurs centrafricains qui apportent une autre couleur plus africaine et festive et j’ai un groupe de musiciens très léger.

Y avait-il une ligne rouge à ne pas dépasser, un moment où on n’était plus dans du Mozart, mais dans autre chose ?
Cassol: Il n’y a pas de ligne rouge, ce qui compte c’est la justesse du propos et de l’émotion. Pour moi, ce qui est important c’est qu’on reconnaisse le Requiem. Je l’ai terminé d’une autre façon. Il fallait intégrer plein de choses émotionnelles qui n’étaient pas nécessaires à l’époque de Mozart, des expressions plus solitaires et un esprit plus festif. La tristesse n’empêche pas d’être plus lumineux et d’introduire des notions de fête, mais aussi de colère.

En quoi votre travail de compositeur est différent quand vous travaillez avec Alain Platel ?
Cassol: Alain a toujours été extrêmement vigilant à ce que les images de la scène n’écrasent pas la musique. Il y a toujours cherché une musique qui puisse être une musique de concert, pas uniquement de spectacle où tous les éléments se tissent les uns aux autres pour former un grand tout. C’est comme une nouvelle forme musicale où la mise en scène et les projections permettent aux musiciens de s’exprimer d’une autre façon.

Requiem pour L. est un projet qui a exigé une longue préparation. Quel a été le moment le plus difficile, s’il y en a eu ?
Cassol: Il n’y a jamais eu de moments difficiles même si les choses étaient souvent délicates. J’ai fait un énorme travail sur la musique et Alain a aussi beaucoup travaillé de son côté. Les probabilités qu’un tel projet puisse se réaliser étaient infimes. Mais on était dans une situation extrêmement entourée. La famille de L. a suivi de près tout le travail. Ils sont venus voir filage après filage. Le médecin aussi. Le résultat, c’est que chaque chose s’est mise dans la suivante comme une suite de miracles pour que la probabilité devienne une vraie nécessité.

Alain a fini complètement épuisé. L’impact émotionnel vient de la façon dont les musiciens jouent entre eux et en interaction avec les images de L.. Alain a trouvé le minimalisme nécessaire et indispensable pour qu’on soit dans les émotions justes. Pendant la représentation, chacun se retrouve face à lui-même.

> Requiem en L Majeur. dir. Fabrizio Cassol et Alain Platel. De Munt/La Monnaie, Bruxelles. 9 > 13/2

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