Franc-tireur des lettres algériennes, Boualem Sansal est un portraitiste acerbe de l'Algérie et du monde arabo-musulman, un lanceur d'alerte contre les faux prophètes qui s'approprient la terre et la culture des peuples.
Il faut un certain courage pour s'afficher en laïc, et même mécréant, quand on est un écrivain algérien, jamais tenté par l'exil. Sous son air affable et sa dégaine de vieux Sioux, Boualem Sansal est un emmerdeur. Très critique envers son pays, il dira qu'il cherche à ouvrir les yeux de ses lecteurs en racontant des histoires, mais des histoires " à ne pas dire ". Publié en 1999, son premier roman Le serment des barbares donnait le ton.
Sur les traces d'Abdallah, un marginal revenu au bled après 30 ans passés en France, on est plongé dans une Algérie qui a bien changé. Au-delà d'un constat impitoyable sur la déliquescence de l'État, miné par la violence et la corruption, Sansal dézingue le mythe fondateur de l'Algérie porté par ses libérateurs. Écrit dans une langue imagée, il aime les personnages hauts en couleur maniant le parler populaire aussi bien que la langue de bois officielle. Ancien fonctionnaire du ministère du Commerce, puis de l'Industrie, Sansal était directeur général quand il a été démis de ses fonctions en raison de son franc-parler et peut-être pour avoir suggéré rien de moins que la suppression de l'enseignement religieux à l'école.
Mais il n'a pas quitté le pays pour autant. Depuis plus de quarante ans, il réside dans la ville côtière de Boumerdès où il a vu le nombre de mosquées multiplié par dix. Sans être officiellement censuré, Sansal est ostensiblement ignoré par les médias officiels. Il dit recevoir trois ou quatre lettres d'insulte par jour. En 2012, il a encore perdu un peu plus d'estime de certains de ses compatriotes quand il a osé répondre favorablement à l'invitation à participer à un festival littéraire à Jérusalem. Pour lui la messe était dite. Avec son roman Le village de l'Allemand, il pousse le bouchon encore plus loin en affirmant qu'entre l'islamisme et le nazisme, la frontière est très mince. L'histoire, inspirée de faits réels, est celle de deux Algériens, émigrés à Paris qui découvrent que leur père, héros du FNL était un ancien Waffen SS.
Au fil de ses livres, il n'a eu de cesse de dénoncer ce qu'il appelle le mauvais islam, " celui qui n'a pas été créé par un prophète envoyé de Dieu, mais par les dictatures, les systèmes, les théologiens, les bondieuseries… ". Son dernier ouvrage 2084 : la fin du monde prend la forme de la fable dystopique avec un clin d'œil appuyé à Orwell. Il nous plonge en Abistan, un empire théocratique totalitaire soumis à un dieu cruel qui s'appelle Yölah et à qui l'on doit neuf prières par jour. Toute idée originale et toute déviance à la pensée du prophète et à son livre sacré, le Gkabul, sont bannies. Son personnage central, Ati, va découvrir l'existence d'un peuple renégat vivant dans les ghettos sans la béquille d'une religion et qu'au-delà de cet immense territoire clos existent d'autres peuples et d'autres croyances. Bien sûr, tout cela n'est que fiction, même si les prophètes existent aussi en littérature.
Meet the author : Boualem Sansal, 20/10, 20.15, Flagey
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