Enfermez un artiste entre quatre murs, il trouvera le moyen de s’évader et de partager ses créations avec le public. La librairie et galerie schaerbeekoise Grafik aide à répandre l’amour au temps du corona.
| Love in times of corona: Rossella Benevento
On dirait bien que la deuxième moitié de la saison culturelle 2019-2020 est déjà finie. Le coronavirus continue de faire des ravages et l’impact des mesures de confinement sur le secteur culturel et les artistes est tout à fait palpable. Mais cette situation, qui nous divise et nous unit en même temps, réveille aussi la créativité.
C’est le cas chez Grafik à Schaerbeek. La librairie/galerie avec un penchant pour les arts graphiques a très vite offert une résistance symbolique à l’immobilisme collectif forcé. Le 16 mars déjà, trois jours après la mise en quarantaine du pays, un appel a été lancé. Pour répandre l’« amour » en ces temps de coronavirus. Rapidement, l’impressionnante toile tissée par les arts graphiques à Bruxelles s’est mise à vibrer d’activité. « Mon idée initiale était d’inviter des dessinateurs à réaliser ensemble un cadavre exquis, jeu qui consiste à replier un dessin qui sera poursuivi par d’autres dessinateurs », explique Leticia Sere, la force motrice de Grafik. « Mais il aurait fallu faire cela par la poste, et nous aurions pu infecter par inadvertance d’autres personnes. Ce qui n’était pas le but ! » (Rires)
L’AMOUR FAIT MAISON
Le format zine – un support papier qui allie l’esprit DIY à une forme recherchée et un contenu original, et qui fleurit dans la scène underground bruxelloise – offrait une porte de sortie. « J’avais déjà vu passer plusieurs appels à faire des zines, mais plutôt autour d’un thème comme la fin du monde. Je voulais me focaliser sur quelque chose de positif, surtout en ce moment avec les gens qui baignent dans l’anxiété et l’incertitude. Quelque chose comme l’amour au temp du corona. Cela peut couvrir plein de choses: la solidarité entre les personnes, l’amour des soignants pour leurs patients ou l’amour au sein d’un couple. »
« Un zine avec des dessins ne sauvera pas le monde, mais l’espoir est tellement important. Nous devons continuer à nous soutenir les uns les autres, à faire de belles choses, à rire, à faire des blagues... »
Près de deux semaines après le lancement de l’appel, le compteur des participants à Love in times of corona affiche déjà plus de 90 artistes. De nombreux Bruxellois – tels que Vincent Wagnair, McCloud Zicmuse, Charlotte Van Hacht, Delphine Frantzen, Sergio Menéndez, Samuel Vanderveken et Julien Kremer alias Krump – ainsi que notre brillant Wide Vercnocke, quelques illustrateurs très doués de la scène anversoise – comme Emma Verhulst, Jango Jim et Charlotte Dumortier – ou encore, par exemple, le Berlinois Lasse Wandschneider se sont portés volontaires.
Leticia Sere : « Les réponses sont nombreuses, oui. Et on voit aussi un glissement intéressant du thème. Alors qu’au début, les amants qui se manquent était clairement le sujet prévalent, dans les propositions plus récentes, on assiste à une exploration du thème de la communication numérique comme moyen de combler la distance, ou de l’estime pour nos soignants et de la sollicitude pour nos voisins. La date limite étant fixée au 16 avril, le nombre de participants et de thèmes exploités va encore augmenter. De plus, ce sera un projet commun, Emma Verhulst a lancé le même appel depuis Anvers. »
BRASSAGE VIRTUEL
« L’intention est de toucher le plus grand nombre de personnes possible », explique Emma Verhulst. « J’ai un peu ouvert l’appel en m’adressant également aux écrivains, aux graphistes et aux artistes et en les impliquant dans un format unique. Il s’agit d’avoir un enrichissement multidisciplinaire où solidarité et amour du texte et de l’image auront la part belle. Les œuvres visuelles et les textes éclairent toujours la vie et la souffrance de l’homme, et c’est le cas en ce moment, en cette période de maladie, de limites et de règles qui touchent l’ensemble de la population. »
C’est ce qui ressort également des messages chaleureux qui étayent les contributions des illustrateurs participants, déclare Leticia Sere. « C’est la période la plus bizarre et la plus effrayante que nous ayons connue depuis longtemps », a écrit par exemple l’artiste anversois Jango Jim, « et chaque lueur d’espoir vaut donc son pesant d’or. Il est merveilleux de voir que dans ces temps difficiles, de belles initiatives naissent un peu partout dans le but de s’entraider ou d’adoucir cette sombre période. Un zine avec des dessins ne sauvera pas le monde, mais l’espoir est tellement important. Nous devons continuer à nous soutenir les uns les autres, à faire de belles choses, à rire, à faire des blagues... »
« C’est la première fois que ma génération est confrontée à une pandémie », poursuit Emma Verhulst. « Je pense que cette expérience va nous laisser une impression durable. Comme l’a souligné Leticia, nous voulons ajouter avec ce projet une note positive à cette histoire. Considérez cela comme une expression de gratitude pour la vie sociale dynamique à laquelle nous sommes habitués et une façon d’éveiller les consciences sur l’importance de protéger et de maintenir cette vie sociale collectivement. »
ONCTION COLLECTIVE
« Les dessins en réponse à notre appel », reprend Leticia Sere, « nous allons les partager au fur et à mesure sur un compte commun Instagram et les regrouper après la date limite dans un zine numérique que tout le monde pourra consulter. Ensuite, nous l’imprimerons en risographie au format A5. Cette technique de risographie (qui ressemble à la sérigraphie et produit des couleurs intenses, NDLR) est un défi pour les artistes. Ils peuvent jouer avec les différences de tons et les motifs. Et c’est exactement ce qui importe maintenant : se retrouver vraiment dans l’instant du dessin. »
« Être occupé à quelque chose de collectif, travailler ensemble, entre illustrateurs, ça fait du bien. Ainsi, l’art peut apporter son onction »
Précisément parce que nous vivons une période d’incertitude. « C’est ce sur quoi je voulais attirer l’attention avec ce projet. Pour les illustrateurs, qui travaillent principalement en free-lance, cette période est très difficile. Les grandes entreprises ferment temporairement leurs portes, et les artistes voient beaucoup de leurs commandes annulées. Dans des circonstances normales, la vie d’un indépendant est déjà difficile, mais maintenant tout est à l’arrêt. Cela rend super anxieux de ne pas savoir comment joindre les deux bouts. Être occupé à quelque chose de collectif, travailler ensemble, entre illustrateurs, ça fait du bien. C’est une lueur d’espoir en ces temps d’épidémie. Ainsi, l’art peut apporter son onction. »
LOVE IN TIMES OF CORONA
Pour participer: envoyez votre illustration A5 pour le 16/4 à hello@grafik.brussels
Pour regarder et acheter: Instagram : @lovecoronazine / @grafik1030 & www.grafik.brussels
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