Dans sa BD Le Moi noir, inspirée d'une nouvelle d'Anton Tchekhov, l'auteur franco-danois Mikkel Ørsted Sauzet fixe des yeux un soleil de plomb futuriste. D'une actualité brûlante et éblouissante.
Mikkel Ørsted Sauzet: Le Moi noir
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Une adaptation d’une nouvelle du maître russe Anton Tchekhov... Vous aviez besoin d’un défi ?
En fait, le projet m’a été proposé par Louison, un éditeur parisien, qui voulait faire des adaptations en BD de classiques russes. Le choix de Tchekhov a été vite fait. Il a un bon œil pour observer la société et les relations entre les gens, et cette histoire sortait un peu du lot, avec l’élément surnaturel du Moine noir.
L’histoire de Tchekhov détermine la structure mais vous la transposez complètement au présent. L’esprit du Moine noir qui se promène dans l’imagination d’Andreï Kovrine, un intellectuel qui est à bout de nerfs, devient chez vous le Moi noir, « une intelligence artificielle » qui confronte le « maître de conférences » An Kov. Et entre-temps, une canicule quasi permanente ravage la planète.
J’ai apporté quelques changements, en effet. Pour que ça soit en cohérence avec mon temps, mes idées et mon angoisse. Tchekhov était un médecin, un positiviste. Il croyait au progrès, à la science et à la technologie. Dans Le Moi noir, c’est justement cette confiance qui a entraîné une tragédie. Avant de commencer le livre, durant l’été de 2018, le réchauffement climatique était déjà un sujet brûlant. Mais les prévisions deviennent de plus en plus alarmantes. C’est comme si nous souffrions d’une sorte d’aveuglement collectif.
D’où les yeux effacés des personnages ?
Oui, on nous encourage à éteindre la lumière derrière nous, à manger du bio et à acheter une voiture électrique, mais qu’est-ce que ça signifie dans le grand ordre des choses ? Ça risque même de devenir un argument pour dire : tant qu’on fait ces gestes, on peut continuer à consommer… Par contre, quand la machine capitaliste industrielle s’enraye – comme durant la crise financière de 2008 ou maintenant avec le coronavirus – là, enfin les émissions de gaz à effet de serre baissent. Peut-être que ces petits gestes et ces bonnes pensées nous font oublier que le vrai geste à faire, c’est de résister au système plutôt que de le maintenir. On peut tous ramasser des mégots dans la rue, mais deux jours plus tard, ce travail sera réduit à néant. J’ai beau éprouver de la sympathie pour Don Quichotte, mais lui aussi avait une vision des choses quelque peu déformée.
Mikkel Ørsted Sauzet: Le Moi noir
Louison, 112 p., 29,25 €, inutiledumoment.wordpress.com
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