Retour sur le devant de la scène pour Marka, papa d'Angèle et de Roméo Elvis. À l'occasion de son entrée dans la soixantaine, qu'il fêtera le 27 mai à la faveur d'un livestream en direct de l'AB, le chanteur sort Terminé bonsoir ainsi qu'une version augmentée de sa biographie parue en 2013.
| Marka.
MARKA
- 1961 : Serge Van Laeken, Molenbeekois, naît le 27 mai à Watermael-Boitsfort
- 1974-75 : RWD Molenbeek est champion. Un moment unique – once in a lifetime ? – gravé dans le cœur de Marka
- 1981 : rejoint le groupe Allez Allez en tant que bassiste
- 1988 : rencontre la comédienne et humoriste Laurence Bibot
- 1992 : sort son premier album sous le pseudonyme de Marka. Naissance de Roméo
- 1995 : signe un contrat chez Sony/Columbia, sort le hit ‘Accouplés’. Naissance d’Angèle
- 2008: tourne à Cuba, y réalise le film Señor Marka
- 2011: s’entoure de musiciens jazz (le Blue Orchestra)
L'homme est du genre tenace. Pour s'en convaincre, il suffit de se plonger dans le récit autobiographique drôle et touchant qu'il vient de faire paraître aux éditions Lamiroy – en réalité, l'ouvrage se découvre comme une version allongée, en ce qu'elle inclut la période 2013-2020, de Marka se reprend (pas au sérieux), opus qui égrenait année par année la vie de l'intéressé jusqu'à ses 52 ans. Bien sûr, celui qui a grandi à Molenbeek a connu ses heures de gloire, depuis sa participation au groupe culte Allez Allez - notamment la ligne de bass sur le morceau 'African Queen' - jusqu'à ses succès notoires sur la scène des Francofolies… mais il a aussi "bien galéré" et s'est retrouvé plusieurs fois "au fond du sac", qu'il s'agisse de sa carrière qui s'est interrompue, de rendez-vous manqués avec le public ou de la volonté de sa descendance (Angèle et Roméo Elvis pour qui vivrait sur une autre planète) de ne pas le voir s'occuper de leurs carrières respectives. "Je me sentais comme une merde. Même mes enfants ne voulaient pas de moi", écrit en toute sincérité le chanteur dans le chapitre consacré à 2017.
Montagnes russes ou pas, il reste que, solide, ce touche-à-tout a fait de la résilience une seconde nature. Il continue de s'accrocher à un métier lui ayant donné des joies incommensurables, surtout les concerts qui lui permettent de "prendre son pied". La preuve, à l'heure de fêter ses 60 ans, l'homme signe un nouvel album de 12 titres Terminé bonsoir qui est tout sauf une façon de tirer sa révérence. Nous l'avons rencontré en charentaises et bourré d'énergie, se trémoussant sur un fauteuil de sa maison de la périphérie bruxelloise, juste sous une magnifique photo d'Eddy Merckx prise par Stephan Vanfleteren. Au-dessus de lui trônait également, vénérable icône du passé signée Charles van Hoorick, un cliché noir et blanc d'Allez Allez du temps de sa splendeur.
Il y a cette phrase qui dit "Dans tout sexagénaire, il y a un jeune homme qui se demande ce qui a bien pu se passer"…
Marka: Ma perspective n'est pas celle-là. Je ne regarde pas trop en arrière. Ce que je vois surtout, c'est qu'il ne me reste pas longtemps. Dans le meilleur des cas, si on s'en tient aux statistiques, j'ai 18-20 ans devant moi. C'est peu. Pour le reste, j'ai vécu intensément, j'ai beaucoup voyagé. Une existence bien remplie. Et surtout, j'ai touché à beaucoup de domaines. Ce que je trouve terrible, ce sont les gens qui font la même chose toute leur vie. Je me demande comment ils font. Moi, j'étais pas fait pour ça.
Avez-vous encore de grandes envies pour ces années qui viennent ?
Marka: Je me fixe des objectifs. Là, j'en atteins un qui me tient à cœur. Dans quelques jours, j'enregistre un Taratata (émission musicale française de référence présentée par Nagui, NDLR), c'est quelque chose que je voulais depuis longtemps. J'ai quelques autres targets de ce type mais je vais plutôt m'appliquer à les faire qu'à les dire. Avant, je ne me projetais pas de la sorte, c'est arrivé récemment. J'ai absolument voulu sortir un nouvel album, signer sur un label français et que l'on parle de moi dans la presse française. C'est réussi. J'ai également des petits trucs imbéciles qui m'obsèdent comme faire une tournée en tourbus, cela ne m'est jamais arrivé. Pour le reste, j'aimerais vraiment devenir grand-père.
Les gens ont l’habitude de regarder la carrière de Marka mais en réalité le voyage de Serge Van Laeken est beaucoup plus important
Lorsqu'on lit votre biographie, on se rend compte que la chance n'est pas toujours à vos côtés. Dans la préface, l'humoriste Guillermo Guiz ose le mot "poissard"…
Marka: Je suis partagé entre deux visions des choses. Dans mon métier, il y a des rendez-vous ratés pour lesquels la poisse a joué un rôle mais ma vie n'est pas inscrite sous le signe de la déveine. J'ai une maison, j'ai une chouette femme, des enfants qui réussissent, je pars en vacances quand je veux, je m'achète ce que je veux… C'est beaucoup.
Vous qui avez grandi à Molenbeek, vivez désormais à la périphérie de Bruxelles. Est-ce que vous êtes toujours attaché à cette ville ?
Marka: J'ai un lien très fort avec la mentalité bruxelloise, cet esprit qui consiste à se moquer de soi-même. Je suis attaché à la langue bruxelloise, moi qui viens d'une famille où l'on parlait mal le flamand et encore plus mal le français. En revanche, je trouve que la ville en tant que telle souffre politiquement, elle manque d'argent. C'est dommage parce qu'elle mérite beaucoup mieux. Pour le moment, je n'y vais plus.
Dans votre livre, on sent une nostalgie pour votre enfance…
Marka: Le Molenbeek des années soixante était pénard. Je me souviens d'une tournée en 1992 à Sofia, en Bulgarie. J'ai ouvert la fenêtre de la chambre et il régnait un grand calme dans la ville. Cela m'a touché. J'ai compris que cela me ramenait au Bruxelles de mon enfance qui était très tranquille. Cette atmosphère de capitale sans agitation m'émeut beaucoup. Aujourd'hui, ce calme je le trouve en périphérie.
En sortant un album intitulé Terminé bonsoir, on pourrait croire que vous tirez un trait sur votre carrière…
Marka: C'est mon premier album en France depuis 19 ans. En Belgique, cela faisait 5 ans que je n'avais plus rien sorti. Ces 5 dernières années, on n'a parlé que de mes enfants. Ce que je dis, c'est "Terminé bonsoir", c'est à mon tour maintenant. Il faut le comprendre comme "on passe à autre chose" et pas "on va dormir, il n'y a plus rien à faire". Il y a un geste qui va avec (Il accomplit un mouvement du bras de droite à gauche, façon "au suivant", NDLR). Je suis prêt pour d'autres choses : le déconfinement, l'été, les festivals et encore un nouvel album.
Quel bilan faites-vous à 60 ans de votre carrière ?
Marka: Si je regarde ma carrière, c'est vrai que je ne suis pas très connu. Je pense que ce n'est pas cela qui compte. Ce qui importe, c'est d'où je suis parti. Serge Van Laeken (son vrai nom, NDLR) est originaire d'une famille dont le papa conduisait un camion poubelle et dont la maman amenait le courrier dans les bureaux d'un ministère. Je viens de là. Mes parents parlaient flamand, ils m'ont mis à l'école en français et n'étaient pas capables de m'aider… J'ai rencontré une femme de bonne famille (la comédienne Laurence Bibot, NDLR), elle a consenti à épouser un "malheureux" de Molenbeek. On a fait des enfants. Les gens ont l'habitude de regarder la carrière de Marka mais en réalité le voyage de Serge Van Laeken est beaucoup plus important. Quand je pense à ce chemin parcouru, je suis content de moi. Mes enfants ne sont pas partis du même endroit, je ne dis pas qu'ils n'ont pas eu des difficultés à percer, mais le terrain était mieux préparé pour ce qu'ils souhaitaient devenir.
Vous avez eu des moments difficiles ?
Marka: À plusieurs reprises, j'étais au fond du sac, très mal. J'ai eu une femme qui a eu beaucoup de succès parfois quand je n'en avais pas du tout. C'est terrible quand on fait un métier dans lequel le but est la notoriété. Cela renvoie brutalement à soi-même. Je pense qu'il y a des gens taillés pour la réussite. Je suis conscient de mes forces et de mes faiblesses. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les domaines dans lesquels je me sens à l'aise et les faire le mieux possible.
Éprouvez-vous des regrets par rapport à la façon dont les choses se sont passées pour vous ?
Marka: J'ai un regret. Quand j'ai signé chez Sony, ils ont tout fait sauf me trouver un tourneur, ce qui était la seule chose dont j'avais besoin. Avec un vrai tourneur, je me serais mis tout le monde dans la poche. J'aurais eu une autre carrière. J'expliquais cela à ma femme qui m'a dit "oui… mais on ne serait peut-être plus ensemble". Et c'est vrai, j'aurais été parti tout le temps. Je ne suis sans doute pas allé au bout de ce que je pouvais faire mais je suis toujours en couple… et j'ai mes enfants.
Roméo Elvis et Angèle vous ont demandé de ne pas vous occuper de leur carrière. Cela a été dur à vivre ?
Marka: Très dur. 6 mois horribles de ma vie, entre janvier et juin 2017. C'est d'abord Roméo qui m'a dit "on arrête". Deux mois plus tard, c'était Angèle. Cela m'a beaucoup touché car je n'ai rien senti venir. J'essayais de comprendre et je ne parvenais pas. Il a fallu qu'un copain m'explique que j'avais grandi avec un père qui me laissait toute la place, tandis que moi, je les étouffais, j'étais trop protecteur, je les empêchais d'être libres.
Est-ce que cela vous arrive de comparer les carrières de vos enfants à la vôtre ?
Marka: C'est le genre de choses que l'on peut faire quand on est au plus mal. Cela n'a pas d'intérêt. C'est mieux de se dire que s'ils sont là où ils sont, c'est que Laurence et moi leur avons donné la possibilité de le faire. Quand ils ont terminé leurs études secondaires, nous n'avons pas poussé à ce qu'ils aillent à l'université. On voulait qu'ils fassent leur truc, qu'ils aillent jusqu'au bout. Beaucoup d'amis ne comprenaient pas.
Leur exposition ne vous fait pas peur ?
Marka: Oui… mais ils doivent s'en accommoder, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Honnêtement qui n'a pas peur pour ses enfants ?
En ce moment avec son projet de Musée du Chat, Philippe Geluck, longtemps considéré comme anticonformiste, passe aux yeux de beaucoup de jeunes pour un "vieux con". Est-ce que vous ne craignez pas ce type de renversement ?
Marka: Si, car je me rends compte que je fais un métier réservé aux jeunes. Aujourd'hui, il n'y a plus de place pour moi en radio. La seule différence, c'est que je ne jette jamais l'éponge, du moins en ce qui concerne la musique. Mon père était boxeur amateur, j'en ai gardé quelque chose. Je suis encore là même si ce métier n'a cessé d'évoluer. Notamment la technologie qui, de Spotify à la nécessité de faire ses clips soi-même, ne cesse de challenger les artistes. Je vais faire Taratata à 60 ans, cela fait 26 ans que j'attends ce moment. Mes deux enfants y ont participé avant moi, je pense que c'est un cas de figure unique.
Dans cet esprit, votre nouveau single 'Le Daron' évoque avec humour le fait de se voir pousser vers la sortie par les nouvelles générations. Vous riez pour ne pas en pleurer ?
Marka: Si j'ai choisi de chanter en français, c'est notamment pour pouvoir me permettre d'avoir des textes décalés liés à ma façon de voir le monde. Depuis le début, je garde cet esprit d'humour. Je n'arrive pas à chanter des trucs sérieux. C'est sans doute une distance salutaire que je m'impose. C'est à la mesure de ce que je suis.
Le clip du 'Daron' fait place à des images d'archives. C'est vous ?
Marka: Oui, le gars torse nu, c'est moi avec Les Cactus. Je suis tombé là-dessus et j'ai été frappé par le fait d'une ressemblance à côté de laquelle tout le monde est passé jusqu'ici : Roméo termine toujours torse nu sur scène. Quand j'avais son âge je faisais pareil, je ne pense pas qu'il ait été au courant de cela.
Le rap pour Roméo est-il ce que le punk a été pour vous ?
Marka: Oui. Roméo et moi on se ressemble très fort. C'est pour cela que c'est parfois compliqué entre nous. Je n'ai pas vu cela parce que pendant longtemps il a ressemblé physiquement à ma femme. Aujourd'hui, je me retrouve en lui.
Si vous deviez entrer au dictionnaire, qu'aimeriez-vous voir écrit à côté de Marka ?
Marka: "Rien n'est jamais fini."
Ça ressemble plutôt à une épitaphe…
Marka: "Chanteur festif" ou alors "peï qui prend son pied sur scène". Je dois vraiment faire gaffe à quelque chose : quand je suis sur scène, la moindre de mes chansons peut se transformer en fête du boudin. Un de mes albums s'intitule L'Homme qui aimait la scène, c'est peut-être mieux pour le Larousse.
27/5, 20.00, Facebook & YouTube, www.abconcerts.be
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