Dans Crâne, porté à la scène par Antoine Laubin, le psychanalyste et anthropologue Patrick Declerck raconte froidement toutes les étapes de l’opération chirurgicale éveillée qui visait à lui ôter la plus grosse partie d’une tumeur cérébrale. Voici trois sources d’inspiration qui ont nourri son texte poignant.
1 « Hamlet est au fond mon philosophe préféré. Il est certainement le personnage de la littérature le plus intelligent, à tel point que je ne comprends même pas comment Shakespeare a eu le génie de penser et d’écrire ce personnage. Dans cette aventure chirurgicale, je ne peux pas prétendre être Hamlet, parce qu’il est trop bien pour moi, mais je peux toujours m’imaginer être une sorte de Yorick. Son crâne apparaît dans la main d’Hamlet dans l’acte V. ‘Hélas ! Pauvre Yorick !’, s’exclame-t-il quand le fossoyeur lui tend le crâne de celui qui était le fou du Roi et qui l’a en partie élevé. Il se souvient d’avoir été porté sur ses épaules et d’avoir entendu son rire et ses plaisanteries. Ce crâne est devenu un symbole de la mortalité. Avant d’arriver au titre Crâne, j’avais pensé à « Yorick et son crâne », « Yorick en salle d’opération. »
2 « Je garde un fusil de chasse pas loin de mon bureau. C’est une manière de dire, je pars quand je veux et je suis le souverain de moi-même, ce qui est largement une illusion, mais néanmoins ça calme mon angoisse. Je ne suis pas obligé d’être là et d’accepter tout ce que peut m’adresser l'existence sociale, affective, personnelle ou médicale. Je sais très bien que la médecine peut préserver bien au-delà de toute raison une vie qui n’en vaut plus la peine. En vivant depuis maintenant 14 ans avec une tumeur au cerveau, j’en mesure absolument la réalité. Il y a un moment où il ne faut pas aller au-delà. C’est une erreur, c’est une humiliation. C’est simplement plus de souffrances mais le sens n’y est plus. Même si je suis d’une lâcheté exemplaire et qu’il n’y a pas plus prudent que moi, je tiens beaucoup à mon fusil de chasse, c’est ma clause de sécurité. »
3 « Comme la tumeur était extraordinairement mal placée, le risque opératoire était très important. On a fait donc une opération éveillée parce que c’est trop dangereux d’intervenir à cet endroit-là sans pouvoir vérifier en temps réel si on n’est pas en train d’endommager les lieux du cerveau où sont stockés le fonctionnement du langage, du calcul, etc. Pour éviter un maximum de dommages potentiels il faut commencer par faire une carte personnalisée et précise de toutes ces zones géographiques. Ma mission, c’était surtout de ne pas bouger et de me concentrer sur les petits examens de fonctionnement intellectuel. Pour ça, ils m’avaient aussi demandé si je parlais une autre langue. J’ai choisi l’anglais qui est fondamental pour moi, mon père me récitait Shakespeare quand j’étais bébé et j’en ai fait de même en salle d’opération. En me réveillant, je ne parlais plus que l’anglais, ce qui démontre aussi que chez moi cette langue est neurologiquement dominante. »
CRÂNE: 29/1 > 16/2, Rideau au Petit Varia, www.rideaudebruxelles.be
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