The Grey Stars jouent au parc

Tom Peeters
© BRUZZ
21/06/2018

Au Studio Pagol, à deux pas de la Gare du Midi, cela fait plus de trente ans qu’on fait de la musique et qu’on fraternise au-delà des cultures. La Gnawa-fusion contagieuse du groupe The Grey Stars est un mélange surprenant de rock et de chants arabes traditionnels à voir lors du festival Plazey. « Ils n’avaient jamais rien entendu de tel au Maroc ! »

Ce que j’aime le plus dans The Grey Stars, c’est que nous sommes une petite famille ». Le guitariste RO Otman - né à Casablanca, mais qui a grandi et a fait ses preuves dans le milieu du rock et du metal bruxellois - évoque avec lyrisme la compagnie bigarrée qui est née il y a environ deux ans du cerveau du batteur Marc Van Eyck, un ancien du milieu du rock et de la musique du monde. Une rencontre fortuite (lors d’un cours de batterie) avec le percussionniste Ridouan Housni, dont le frère et le cousin font entre-temps partie du groupe, était l’élément catalyseur. En y rajoutant les chants du « maâlem » Hicham Bilili, la formation atypique se situe exactement entre la modernité et la tradition.

Lors de la répétition à laquelle nous avons assisté, le chanteur a été remplacé par Driss,qui joue également un instrument à corde traditionnel (qui a un air de luth), créant un passionnant duel de cordes pendant l’envoûtante chanson traditionnelle qui glisse lentement vers une transe La Ilaha Ine Lah. « Jimi Hendrix est passé au Maroc pour apprendre à maîtriser la musique Gnawa », nous dit RO. «Mais il n’y est pas vraiment parvenu. Il a uniquement réussi à s’en approcher dans l’introduction de Voodoo Child (Slight Return). Pour moi, c’est un défi de finir ce qu’il avait jadis commencé.

« Quand nous montons sur scène, le public s’attend souvent à un son traditionnel avec un peu de guitare », nous explique le guitariste en ricanant. « Et quand nous atteignons l'apogée de notre son, on peut lire la surprise sur le visage des gens. À ce moment-là, je leur explique qu’il s’agit en réalité de Gnawa-fusion, une version moderne des chansons spirituelles soufies et des rythmes d’Afrique du Nord transférés de génération en génération depuis des siècles.»

« En réalité, on ajoute du punch et de l’énergie à la belge à ces anciens rythmes de transe », nous explique Van Eyck, un Carolo resté à Bruxelles après ses études et grand fan de TC Matic. « Et parfois aussi des touches de disco, de funk et de reggae ». Ce n’est pas un hasard que cette alchimie a eu lieu au Studio Pagol, la cave de répétition que ce batteur a créé il y a plus ou moins trente ans avec le producteur Pierre Vervloesem, un ancien élève de l’Institut Sainte-Marie qui se trouve juste à côté.

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Van Eyck, qui a toujours eu un faible pour Peter Gabriel, y a encore écrit un morceau d’histoire du rock belge méconnu. « J’ai toujours eu du mal avec le rock francophone, et encore plus avec les Francophones qui veulent à tout prix chanter en anglais. Lorsque le percussionniste Mousta Largo, un Belge aux origines marocaines, a spontanément commencé à chanter en arabe lors d’une session de jam collective, c’était une révélation pour moi. On était en 1992. Youssou N’Dour chantait depuis des années et était sur le point de devenir mondialement connu, Khaled et Cheb Mami avaient pas mal de succès en France. Mais en Belgique, il n’y avait rien, et on a immédiatement pu signer chez Sony. »

À la même époque, à moins de 500 mètres du studio, il y a eu des émeutes. « Des jeunes frustrés jetaient des pierres sur le commissariat de police parce qu’ils en avaient ras le bol du racisme et de ne pas pouvoir entrer dans une boîte de nuit dans leur propre quartier. C’était un réveil en sursaut pour les politiciens et nous étions invités partout, pas uniquement pour faire de la musique mais également pour débattre dans des émissions télévisées. Ce qui est étrange, c’est que maintenant, suite aux attentats perpétrés par des fondamentalistes musulmans radicalisés, notre groupe The Grey Stars est une fois de plus victime de l’actualité. La polarisation est omniprésente, alors que mes amis musulmans sont tout aussi choqués par tout ce qui se passe. La seule différence est que Largo, Khaled et une poignée d’autres étaient assez présents sur les radios il y a 20 ans. Mais depuis combien de temps n’avez-vous plus entendu une chanson arabe à la radio ? »

Tout cela pour dire que la mission de The Grey Stars n’est pas purement musicale. Ils donnent aussi une voix à la communauté belgo-marocaine. « La famille Housni fait de la musique depuis toujours », explique Van Eyck. « Avec le groupe The Grey Stars, ils sont capables d’atteindre un public étranger à leur propre culture. Nous avons déjà joué au VK* et au Botanique, mais aussi au festival Jazzablanca à Casablanca et à Tanger. En été, nous jouerons à Sfinks Mixed et nous retournons au Maroc où notre mélange de sons est très apprécié des jeunes locaux, qui, étonnamment, sont plus ouverts aux sonorités modernes que les jeunes de Molenbeek. »

« Raison de plus de rassembler tout le monde au-delà des cultures, qu'il s'agisse des jeunes ou d’autres gens qui n’écoutent que de la musique rock ou traditionnelle, » nous dit RO, qui appuie son message de quelques notes. Lors de notre visite au studio, c’était encore le ramadan, mais le fait que lui et les autres musulmans du studio (qui a reçu le nom d’un ancien groupe de Van Eyck) n’ont rien bu ou mangé depuis le lever du soleil ne les empêche pas de bosser. « Au contraire », résume Ridouan. « En réalité, cela nous donne de l’énergie supplémentaire pour faire passer notre message. »

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