Review
Score: 4 op 5

Critique théâtre: Sihame Haddioui, des mots pour le corps et la famille

Gilles Bechet
20/03/2025

Dans son premier spectacle, Sihame Haddioui, jeune autrice bruxelloise et ex- échevine à Schaerbeek, donne une forme originale à sa quête obsessionnelle pour comprendre ce que les douleurs produisent comme gestes, touchers et marques d’amour dans son corps familial.

Dans le flot de ses souvenirs, Sihame Haddioui a tamisé quelques moments tendres, drôles et pudiques de sa vie dans une famille maroxelloise de la classe populaire. Ses souvenirs, elle les raconte du bout de ses doigts pianotant sur un laptop alors que les phrases s’affichent sur l’écran derrière elle comme une pensée qui accroche ses mots en direct.

Ces souvenirs évoquent ses proches, sa famille, celles et ceux qui touchent et qu’on peut toucher, mais qu’on ne touche pas parce qu’on ne sait pas comment ou qu’on n’ose pas. Car il est beaucoup question de gestes et de corps. De gestes qui s’ébauchent et des corps qui reçoivent et qui souffrent « Les douleurs c’est un truc de famille. Dans des familles blanches, on se transmet le contenu des bas de laine, moi de ma grand-mère, j’ai hérité de bas de contention », raconte-t-elle.

Tranches de vies

Ce dispositif, simple et efficace, se créé dans le silence d’une intimité complice. Toujours, elle garde le contact avec le public, par des apartés, qu’elle efface peu après les avoir écrits ou par ses petits regards goguenards qu’elle glisse par-dessus son ordinateur.

Sihame Haddioui a eu plusieurs vies, dans l’écriture, dans la chronique radio, et dans le combat féministe lesbien et antiraciste. Elle a aussi participé au combat citoyen et politique dans sa commune. Celles et ceux qui ont suivi l’actualité se souviennent peut-être d’une ébauche de Me too politique quand une échevine à la Culture et à l’Égalité de la commune de Schaerbeek a porté plainte pour les harcèlements répétés qu’elle avait subis de la part d’un collègue.

Ces tranches de vie, qu’elle livre aujourd’hui et qui interrogent les stigmates du corps et les traces d’une histoire intime, Haddioui les livre comme un plaidoyer accompagné de pièces à conviction portant le nom d’un médicament. Des cachets, des pilules qu’on prend pour soigner les symptômes, car les causes, l’exploitation capitaliste qui casse les corps de la classe populaire par la pénibilité des métiers qu’elle exerce, est intouchable.

Dans cette quête d’amour et de gestes avortés, elle sait que les mots sont imparfaits et fragiles. Heureusement qu’il y a la musique qu’au même titre que certains mots, on ne peut sortir de sa tête. Une musique comme le Can’t Get You Out of My Head de Kylie Minogue qui clôture le spectacle et qui fait un bien fou. Au corps.

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