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Spot On: Édouard Louis après l’humiliation

Gilles Bechet
© BRUZZ
31/08/2018

En trois romans, Édouard Louis a imposé une écriture qui transforme les stigmates de sa vie en œuvre littéraire, dénonçant la logique d’une société où les minorités n’ont d’autre choix que de se laisser humilier et dominer.

Un premier roman lui a suffi pour créer l’événement. Quelques mois après la parution de Pour en finir avec Eddy Bellegueule, Édouard Louis avait déjà signé dix-huit contrats de traduction à l’étranger. Dès la première phrase de son récit qui évoque son enfance dans un petit village ouvrier du nord de la France, il prévient qu’il n’en a gardé aucun souvenir heureux.

Avec un froid détachement, il raconte un quotidien miné par la pauvreté, l’alcoolisme des uns et la violence des autres et par ses tentatives désespérées pour cacher, et même inverser, sa nature homosexuelle, à l’opposé de la culture de virilité machiste qui est la norme dans son milieu.

Certains lui ont reproché d’en faire trop, de noircir le tableau. Édouard Louis s’en défend. Il dit qu’il raconte des vies que personne n’a envie d’entendre. Les photos publiées sur son blog de sa maison d’enfance où des cartons remplacent des fenêtres brisées de sa chambre semblent conforter son récit. Avec ses deux autres romans, Histoire de la violence et Qui a tué mon père, Édouard Louis poursuit son entreprise littéraire.

Partir de son parcours de vie pour dénoncer une société qui se construit sur l’humiliation et la violence envers les minorités réprimées, que ce soient les pauvres, les homosexuels, les migrants, les Juifs ou les populations d’origine immigrée, une catégorie d’humains, dit-il, à qui, au contraire des dominants, la politique réserve non seulement l’humiliation mais aussi une mort précoce.

Face à cet état de fait, il refuse la résignation et cherche les voies d’un nouvel engagement à gauche. Avec Geoffroy de Lagasnerie, avec qui il dialoguera à Bozar, Édouard Louis a publié une carte blanche dans le Monde du 27 septembre 2015. Incapables de se reconnaître dans le monde dans lequel ils vivent, les deux signataires veulent croire à un engagement politique qui tourne le dos à ce sentiment d’impuissance qui lui est trop souvent associé: « La politique est constituée comme un risque, un stigmate - quand c’est le désengagement qui devrait plutôt être vu comme un problème ».

L’action politique qu’ils prônent passe notamment par le refus de débats imposés autour de problématiques incompatibles et le renvoi de la honte aux discours des idéologues d’extrême droite dont on peut suivre les métastases dans le babil dominant.

ÉDOUARD LOUIS & GEOFFROY DE LAGASNERIE 3/10, 20.00, Bozar, www.bozar.be

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