Un isolement auto-imposé sur la côte normande et un confinement obligatoire ont aidé le chanteur de Girls In Hawaii, Antoine Wielemans, à sortir le premier album solo en français qu'il devait évacuer. "Dans l'isolement, j'arrive mieux à faire du quotidien merdique quelque chose de magique."
Antoine Wielemans: 'Si l’isolement me fait parfois peur, cela me renforce aussi'
"L'isolement m'a surtout aidé à être plus concret", dit le chanteur, guitariste, auteur-compositeur et désormais pianiste Antoine Wielemans à propos de Vattetot, du nom du village normand où sont nées neuf chansons délicates. "C'est justement à cause de tous les préparatifs que demande une telle réclusion, surtout maintenant que je suis devenu papa, que je ne peux pas me permettre de rentrer bredouille à la maison."
Le chanteur de Girls In Hawaii s'est forcé à élaborer une nouvelle chanson ou idée chaque jour pendant deux isolements auto-imposés, en novembre 2019 et février 2020. Sans internet et physiquement éloigné de son réseau social, c'était plus facile pour lui qu'à Bruxelles, où c'est dur de se concentrer. "J'ai acheté de la nourriture pour les trois jours suivants et j'ai appelé ma compagne tous les deux jours pour vérifier que tout allait bien à la maison. Le reste du temps était consacré à la musique et la créativité. Quand j'étais lancé, je pouvais travailler toute la nuit, parfois jusqu'à dix heures du matin. Puis je dormais pendant cinq heures et je recommençais. Le plus gratifiant, c'est que même pendant les moments soi-disant creux, lorsque je me promenais ou prenais une douche, je restais en permanence dans ma bulle créative. Après seulement quelques jours dans cette bulle, cela s'est mis à couler tout seul. Après une telle retraite, j'étais épuisé, mais aussi comblé."
Si j’ai envie d’être triste pendant une journée entière ou de ne pas parler pendant cinq jours, je le fais
Wielemans dit qu'il a besoin de moments où il peut se sentir mélancolique et sombre. "Puiser l'inspiration pour la musique dans ce réservoir me rend plus léger. Dans l'isolement, j'arrive mieux à faire du quotidien merdique quelque chose de magique. C'était déjà le cas pendant l'enregistrement des albums de Girls In Hawaii, ou quand je voyage seul. Si l'isolement me fait parfois peur, cela me renforce aussi. Si j'ai envie d'être triste pendant une journée entière ou de ne pas parler pendant cinq jours, je le fais. Je peux être sociable, mais j'ai aussi besoin de moments de silence." Le décès de son frère y est peut-être pour quelque chose, souligne-t-il.
Denis Wielemans, qui jouait de la batterie dans Girls in Hawaii, est mort dans un accident de voiture sur le ring de Bruxelles en 2010. "Pendant longtemps, j'ai ressenti le besoin d'être entouré socialement, car je voulais échapper aux pensées qui surgissaient lorsque j'étais seul. J'ai dépassé cette phase. Désormais, je gère beaucoup mieux mes sentiments." La paternité lui a aussi visiblement fait du bien. Ça le pousse à ne pas ramener chez lui les frustrations liées à sa musique.
Tout est à l'arrêt
"Après ma retraite à Vattetot, j'avais prévu d'enregistrer mes démos avec des musiciens, mais à cause de la pandémie, j'ai fini par tout faire moi-même, au rythme du confinement. J'ai fait le mixage avec les fenêtres de mon appartement grandes ouvertes, et j'entendais les oiseaux chanter dehors. J'ai trouvé cela encourageant, parce qu'avant, on nous disait toujours que l'économie devait continuer à tourner, que les avions devaient continuer à voler, alors que là, tout a été à l'arrêt d'un coup – dans le monde entier !"
Avec ses nouvelles compositions sobres, Wielemans a, en fait, suivi la même démarche. Sa voix chantée (en français), plus proche de sa voix parlée, l'a incité à prendre son temps pour raconter les choses. "En même temps, je pouvais me soustraire à l'obligation de tenir compte de la mélodie et de l'arrangement. L'anglais convenait bien à la création d'un monde imaginaire. Mes références de l'époque chantaient dans cette langue, mais maintenant que le français est aussi à la mode, j'ai eu un déclic. Je n'ai pas besoin d'ajouter des couches musicales à mon histoire, je laisse délibérément de la place à ma voix, mais aussi à la réflexion de l'auditeur, comme l'a fait Serge Gainsbourg sur, par exemple, Histoire de Melody Nelson et L'Homme à tête de chou. Je suis très content de couvrir au piano et dans ma langue maternelle un univers complètement différent de celui de Girls In Hawaii, de sorte que les deux ne vont pas s'empiéter. Faire quelque chose de complètement différent m'a donné envie de travailler sur un nouveau matériel avec le groupe, cette fois non pas séparément, mais tous les cinq."
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