Depuis sa victoire avec brio au concours Reine Élisabeth de chant en 2000, Marie-Nicole Lemieux a de plus en plus de fans à Bruxelles, en Belgique et dans le monde. Le 15 novembre, elle sera de passage à la Monnaie, pour un récital qui confronte le lied allemand et la chanson française romantique.
| Marie-Nicole Lemieux
Bruxelles et la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux ont une relation particulière. C'est le moins qu'on puisse dire. Les productions avec Lemieux se jouent toujours à guichets fermés – qu'il s'agisse d'opéras, de récitals ou de programmes symphoniques. Le secret de son succès ? Sa voix, bien entendu. Une voix pleine, expressive, chaude, pleine de couleurs de son et de résonance qui émoustille les amateurs de musique du monde entier.
Sa présence sur scène, sa connaissance théâtrale et son talent de communication ne doivent pas non plus être sous-estimés. Si vous l'avez vue il y a trois ans dans "Studio Flagey Klassiek", le programme télévisé présenté par le pianiste bruxellois Julien Libeer, avec entre autres une imitation sans précédent de Céline Dion et une ode à Nana Mouskouri, vous pouvez déjà l'imaginer.
Mais Lemieux nous raconte qu'elle a dû travailler pour en arriver là : "Même si la nature vous a doté d'un timbre et d'une tessiture particulières, le côté doux comme du velours, la mémoire, le rythme, la prononciation et les nuances s'acquièrent par le travail." Et quand on voit la liste de ses concerts et enregistrements, on se rend compte que c'est une vraie bosseuse. Son nouvel album Mer(s) vient de sortir chez Erato et comprend trois cycles de mélodies somptueux du XIXème siècle sur la mer de Chausson, Elgar et du noble inconnu Victorin Joncières.
S'il n'y a pas de crise ou de temps fort, le public s'ennuie.
Pour le récital à la Monnaie, elle ne chantera pas avec un orchestre, mais avec le pianiste américano-bruxellois Daniel Blumenthal. Nous l'avons appelée au Québec. Et l'interview est du Lemieux à l'état pur : elle nous parle sans détours et avec enthousiasme de son projet, s'esclaffe, travaille sur une nouvelle pièce et chante régulièrement un passage pour donner plus de force à son récit. La puissance de la communication de Lemieux dans toute sa splendeur.
Elle est plutôt fière du programme pour Bruxelles. "Je l'ai composé moi-même", nous explique-t-elle. "J'avais cette idée de confronter des lieds avec les textes de Goethe – figure de proue du romantisme allemand, plein de grands sentiments et de pensées profondes – aux chansons basées sur des textes de Baudelaire, qui lui aussi choisit souvent les émotions directes, mais souvent d'une façon beaucoup plus charnelle, presque gothique. (Elle rit) Plus j'y pensais, plus l'idée me plaisait. Quand j'ai commencé à chercher qui avait mis ces textes en musique, j'ai trouvé une soixantaine de chansons, de différents compositeurs."
Comment avez-vous procédé pour composer ce programme ?
Marie-Nicole Lemieux: J'ai commencé par faire une sélection : j'ai écouté toutes les chansons. Je fermais les yeux et j'analysais les sentiments que provoquaient en moi les chansons. Ensuite, il s'agissait de peaufiner : dans un récital, l'enchaînement des différentes chansons est très important. On ne peut pas par exemple enchaîner les chansons de façon chronologique. Non, ces chants interagissent entre eux. Il faut instaurer une certaine progression musicale et il faut (Avec emphase) du drame ! S'il n'y a pas de crise, ou de temps fort – bien dosé – il n'y a pas d'évolution et le public s'ennuie. C'est pour cette raison que je commence par un Lied super-romantique de Robert Schumann, Kennst du das Land, wo die Zitronen blühen : Im dunklen Laub die Gold-Orangen glühn…
Il s'agit de la quête quasiment compulsive du bonheur, qui échappe constamment au chanteur-narrateur. Je conclus la première partie avec le même texte Mignon: Kennst du das Land? dans la version de Hugo Wolf, après des œuvres de Schubert, Beethoven et Fanny Mendelssohn. Après la pause, je chante L'Albatros de Chausson, qui met en place une relation de tension entre l'oiseau ridicule et vulnérable qui se traîne sur le pont d'un bateau et son congénère qui fend l'air en hauteur dans toute sa splendeur. Ensuite, la chanson d'automne de Fauré est un commentaire de la société et dans Le Jet d'eau de Debussy, on entend le jeu de l'amour. Pour finir, L'Invitation au voyage et La Vie antérieure de Duparc nous ramènent à notre point de départ. L'invitation à la balade et au voyage d'une part, et la description d'une autre vie d'autre part. Dans l'au-delà.
Et la structure fonctionne ?
Lemieux: (Enthousiaste) Et comment ! Je chanterai le programme pour la cinquième ou sixième fois à Bruxelles : j'ai donc déjà eu l'occasion de bien le tester. (Rires) Mais c'est du costaud, ça exige pas mal d'énergie de la part de la chanteuse. Tant au niveau sonore qu'à un niveau plus subtil. Ce sont des chansons qui racontent beaucoup de choses, littéralement. Et lorsque le tout est bien ficelé, ce récital est vraiment une expérience fabuleuse.
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