Comme chaque année, le solstice d’été marque le coup d’envoi des festivals. Dans les starting-blocks bruxellois, Adja, Peet et Ada Oda s’apprêtent pour le grand départ. Avant de retrouver le public sur les scènes de Couleur Café, de la Fête de la Musique ou de Brosella, le double mixte se réunit dans un jardin pour échanger souvenirs, émois et anecdotes.
| Impatients de monter sur les scènes de Couleur Café, Brosella et la Fête de la Musique, Peet, Ada Oda et Adja replongent dans leurs souvenirs de festivals, sur le podium mais aussi dans la foule.
D ’ici quelques jours, les festivals d’été reprendront leurs droits, sans masque ni barrière sociale. À Bruxelles, ce retour à la normale laisse déjà entrevoir de chaudes soirées, un peu partout, du centre-ville au plateau du Heysel, du parc du Cinquantenaire à celui d’Osseghem. Programmé à Couleur Café, le vendredi 23 juin, Peet convie d’autres protagonistes de l’été bruxellois dans son jardin.
Les pieds dans l’herbe, ultra relax, le rappeur reçoit notamment Ada Oda, groupe formé par le guitariste César Laloux et la chanteuse Victoria Barracato. De passage à la Fête de la Musique, le vendredi 23 juin, le duo s’apprête à dérouler son post-punk remuant sur des airs italiens incroyablement sautillants. Pour compléter l’équipe, Adja offre une alternative soul-jazz, bordée de gospel et de spiritualité. La chanteuse, à voir du côté de Brosella, le dimanche 9 juillet, prend place auprès de ses camarades et participe, elle aussi, à une conversation entièrement dédiée aux festivals d’été.
En parlant de festival, quelles sont les premières images qui vous viennent à l’esprit ?
Adja : J’associe mon premier souvenir au Sphinx, un festival qui se tient chaque année à Boechout, dans la périphérie anversoise. Ma mère ne loupait jamais ce rendez-vous. Je me souviens que, toute petite, j’y ai vu Youssou N’Dour. Puis, quelques années plus tard, au même endroit, j’ai assisté à un hommage au Buena Vista Social Club. Je m’en souviens très bien. Parce qu’à la maison, nous avions pour rituel d’écouter l’album du Buena Vista Social Club chaque dimanche matin.
César (Ada Oda) : Moi, mon baptême du feu, c’était au Steelworx, à Esch-sur-Alzette. À l’affiche de ce festival luxembourgeois, il y avait notamment Muse, Indochine, Nina Hagen ou The Dandy Warhols. Je venais d’avoir 14 ans. J’étais parti là-bas pour voir Muse. Mais finalement, le concert le plus cool, c’était celui des Dandy Warhols...
Peet : Quand on me parle de festivals, je songe immédiatement à Couleur Café ! Je me souviens d’une édition, en particulier, avec Damian Marley, Patrice et, surtout, Selah Sue. À l’époque, moi et mes potes, nous étions tous amoureux d’elle…
Victoria (Ada Oda) : L’image qui me vient en tête, c’est le Nandrin Festival, dans la région liégeoise. Ça n’existe plus. Pourtant, autrefois, c’était un grand rendez-vous de l’été. La première fois où j’y suis allée, il y avait Joe Cocker en tête d’affiche. Et puis, c’était la grande mode du nu metal. C’est comme ça que je me suis retrouvée au milieu d’un pogo super sauvage. J’ai perdu une chaussure. J’ai cru mourir. Puis, par miracle, je suis sortie de la mêlée, en me promettant de ne plus jamais y retourner. (Rires)
Où s’est joué le premier festival de votre carrière ?
Peet : C’était avec Le 77, à Couleur Café, en 2017. On a fait Niveau 4 avec Zwangere Guy, L’Or du Commun, ISHA, Blu Samu et Roméo Elvis. C’était la première fois de ma vie que je jouais sur une scène comme celle-là, devant 6000 personnes. C’était dingue !
Adja : Mon projet a pris forme pendant le confinement. Avant ça, je n’ai pas eu l’occasion de me produire en festival. Là, je viens de jouer au Music Meeting Festival à Nimègue, aux Pays-Bas. En tant qu’artiste, c’est mon premier été des festivals. J’ai une dizaine de dates prévues. Je dois encore apprendre à gérer mon temps, à organiser mes week-ends autrement. J’essaie d’anticiper, d’imaginer des solutions pour transposer mes chansons sur scène. Je rêve aussi d’emporter des décors. Mais ça, ce sera compliqué. Je vais devoir m’adapter, faire preuve de souplesse.
César (Ada Oda) : L’année dernière, notre projet venait de démarrer... Nous n’avons pas réussi à accrocher le wagon des festivals. Donc, pour nous aussi, ça commence seulement maintenant. Cet été, nous avons près d’une quarantaine de concerts au programme. Nous jouons dans des festivals en Belgique, en France, mais aussi en Italie ou aux Pays-Bas. C’est une cadence de trois dates par week-end. Ce ne sera pas toujours évident à gérer. Juste après notre concert à Dour, par exemple, nous devons filer à La Rochelle pour jouer une date aux Francofolies. Ça va être intense…
Sur le plan physique, comment préparez-vous cette période ?
Peet : J’effectue quelques exercices, des pompes notamment. Mais ça s’arrête là. Je n’ai pas besoin d’en faire trop. Parce que mon agenda me le permet. Si je me retrouvais, comme Ada Oda, à jouer deux ou trois concerts par week-end, je devrais sans doute revoir mes habitudes. En tournée, l’accumulation de la fatigue affecte ton corps, ta voix et ton mental…
Adja : Pour me prémunir de mauvaises surprises et me préparer psychologiquement, j’envisage d’ailleurs de faire quelques séances de yoga.
Sortez-vous vos albums en fonction de la saison des festivals ?
Peet : Au début, tu sors ton disque n’importe quand et tu es content. Puis, comme personne ne t’appelle pour jouer dans les festivals, tu te renseignes un peu et là, tu piges qu’il y a, effectivement, des périodes idéales pour sortir des trucs. On me dit souvent que novembre, c’est top. Là, j’ai sorti Todo Bien, mon dernier album, le 24 février. C’était déjà assez tard pour obtenir des bons spots en été. Si je l’avais sorti plus tôt, j’en aurais peut-être eu plus. Mais bon, je suis déjà très heureux d’être à l’affiche de Couleur Café, Dour ou des Francofolies de Spa. Il y a quelques jours, j’ai aussi eu la chance de me produire au Canada, au Festival Santa Teresa.
César (Ada Oda) : L’idéal, c’est d’arriver avec un album à l’automne. Si tu veux jouer dans les festivals d’été et occuper un peu l’actualité en amont, c’est là que ça se passe. C’est à ce moment-là que les festivals et les agents artistiques s’activent en coulisse.
Selon vous, quelle serait la recette du festival idéal ?
Peet : Du soleil, de l’ambiance, un public motivé et du reggae ! Mais le soleil, ça reste vraiment une donnée essentielle.
Victoria (Ada Oda) : Des toilettes propres aussi ! Et puis, avoir accès à des points d’eau potable, un peu partout sur le site.
César (Ada Oda) : En tant qu’artiste, ton expérience en festival tient aussi à la qualité du catering proposé. Un grand buffet ou un menu avec une entrée, un plat et un dessert, ça change tout ! Ça te permet de reprendre des forces. Se nourrir correctement avant de monter sur scène, c’est important.
Adja : L’aspect technique occupe également une place essentielle. J’admire les festivals qui parviennent à créer un environnement acoustique favorable à toutes les musiques. Mon style musical étant assez calme et plutôt intimiste, je me sens nécessairement plus à l’aise lorsque le cadre acoustique me permet de défendre mes chansons correctement.
« La première fois que suis allée en festival, je me suis retrouvée au milieu d’un pogo super sauvage. J’ai perdu une chaussure. J’ai cru mourir »
Prenez-vous le temps d’aller voir des concerts après une performance en festival ?
Peet : Pas vraiment. Après mon concert, je ne cours pas dans tous les sens pour découvrir de nouveaux groupes sur scène. Je vais plutôt rechercher une zone calme pour me poser, à l’écart du bruit et de l’agitation. Évidemment, s’il y a une tête d’affiche qui me parle, je me bouge. C’est comme ça que j’ai vu Damso, mais de très très loin. Parce qu’il y avait vraiment trop de monde et que je me sentais oppressé.
Adja : Moi, j’aime bien l’idée d’aller voir des concerts après ma prestation. Cet été, par exemple, je suis programmée au Gent Jazz, le même jour que MonoNeon et Gregory Porter. Je me réjouis de me produire là-bas et de voir ces artistes sur scène.
Avez-vous déjà vécu des moments déconcertants en festival ?
Peet : Je me souviens d’un concert de Kraftwerk au Pukkelpop... On m’avait expliqué que ces mecs avaient inventé la musique électronique. Alors, je suis allé les voir. Je n’ai pas spécialement aimé leur concert mais, dans le public, tout le monde semblait scotché. Moi, très honnêtement, je ne comprenais rien à leur musique. Mais je garde un souvenir assez fort de leur prestation : c’était une expérience trop bizarre.
Adja : Mon pire souvenir en festival est aussi un des meilleurs : c’était au Dour Festival 2012. J’ai assisté à un fabuleux concert de CocoRosie. En revanche, l’environnement extérieur était affreux. C’était une zone de guerre. Il y avait de la boue partout. Se déplacer d’une scène à l’autre, c’était comme un exercice de survie. Il pleuvait sans arrêt. Le sol était glissant. C’était dangereux. Mon rapport à ce moment reste, aujourd’hui encore, très ambivalent. C’était à la fois très excitant et terriblement effrayant.
César (Ada Oda) : Une année, j’ai eu l’occasion de me produire au Pukkelpop avec BRNS. On jouait le même jour que Beach House. J’étais tellement fan que j’avais embarqué leur CD avec moi dans l’espoir de le faire dédicacer. Par chance, j’ai croisé Victoria Legrand, la chanteuse du groupe américain. Elle a signé mon disque. Puis, elle a voulu me faire la bise. Mais, sur un malentendu, j’ai détourné le visage et j’ai reçu un baiser sur la bouche. J’étais à la fois ému et super gêné…
Avez-vous des rituels avant de monter sur scène en festival ?
Adja : J’exécute des exercices respiratoires pour me focaliser sur mes émotions. Cela m’aide à me recentrer, à me livrer à 100 % dans les histoires que je partage avec le public.
Victoria (Ada Oda) : Moi, je fais un peu de méditation. Et puis, je souffle dans une paille pendant 10 minutes. C’est une pratique qui permet de détendre les cordes vocales. Dernièrement, un coach scénique nous a incités à nous taper dans le dos avant de monter sur scène. Au début, on rigolait, en se disant qu’on n’allait jamais faire un truc pareil… Mais là, on le fait à chaque concert ! On se met en rond et on se tape dans le dos.
« Mon festival idéal ? Du soleil, de l’ambiance, un public motivé et du reggae ! »
Les festivals sont-ils l’occasion de toucher de nouveaux publics ?
Adja : Bien sûr, c’est vraiment l’objectif. Pour moi, ce sera aussi l’occasion de voir quel type de festival attire quel type de public. Pour le Gent Jazz, par exemple, c’est très clair. Pour le Brosella Festival, en revanche, j’identifie moins facilement le public. Jusqu’ici, je vivais les festivals avec le regard tourné vers les scènes. Cet été, je vais appréhender les choses sous un autre angle. Mon attention sera désormais focalisée sur les festivaliers.
Peet : J’aime bien me dire que les gens ne sont pas là pour moi. Quand je me mets dans cet état d’esprit, je me donne à fond. Une bonne prestation en festival, c’est la garantie de toucher du monde. D’ailleurs, après l’été, j’observe toujours une augmentation significative du nombre de mes abonnés sur les réseaux sociaux.
Victoria (Ada Oda) : C’est vrai pour nous aussi. Récemment, nous avons joué un concert à Lessines, au Festival Roots & Roses. Sur le papier, le public était plutôt orienté blues et rock. On a vraiment eu très peur de faire un four... Finalement, les gens étaient enthousiastes, super chauds de découvrir un nouveau groupe. En festival, ne pas jouer devant son public, c’est la meilleure façon de se faire connaître.
Peet se produira à Couleur Café le 23/6. Info: www.couleurcafe.be.
Direction La Fête de la Musique pour voir Ada Oda le 23/6 également. Info: www.fetedelamusique.be.
Pour Adja, ça se passe le 9/7 pendant le Brosella festival. Info: www.brosella.be
Couleur Café 2023
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