Vedette des grands festivals internationaux, habitué du KVS, le danseur et chorégraphe Faustin Linyekula doit sa reconnaissance à des créations puissantes inspirées par son histoire personnelle et celle de son pays, le Congo. Dans Banataba, il engage un dialogue symbolique avec le Musée royal de l’Afrique centrale, produit de la colonisation.
Faustin Linyekula entre en dialogue avec le Musée de l’Afrique centrale
Kunstenfestivaldesarts
Quarante créations de théâtre, performance, danse et cinéma, dont dix-huit sont des premières mondiales, réparties sur trois semaines, vingt-trois lieux et quatre centres du festival, incluant le tout nouveau Kanal – Centre Pompidou : la prochaine édition du Kunstenfestivaldesarts promet d’être spectaculaire. BRUZZ s’est entretenu avec six artistes incontournables, dont le travail est à l’image de ce festival multidisciplinaire et cosmopolite.
Faustin Linyekula : « Une création n’a de sens que si elle mène à un voyage plus personnel ». Un voyage introspectif regorgeant de questions aux réponses multiples et complexes ayant bien souvent pour cadre le Congo, pays qui a vu naître et grandir ce danseur et chorégraphe sollicité de par le monde. Ainsi, l’année dernière, lorsque le Metropolitan Museum à New York invite Faustin Linyekula à se produire dans l’une de ses galeries, l’artiste demande d’emblée à voir « toutes les pièces du Congo se trouvant dans leurs collections ». La découverte d’une sculpture en bois haute de 83 centimètres identifiée comme appartenant à l’ethnie Lengola conduit le danseur à Banataba, le village de son grand-père maternel situé au centre-est du Congo. « Avant ce village n’était pour moi qu’un nom, je n’aurais jamais imaginé m’y rendre un jour ».
Ce retour aux sources confronte Faustin Linyekula à son rapport au passé, celui de son pays, de sa tribu mais aussi son histoire familiale. « On dirait que l’histoire de la famille commence avec mon grand-père quand il arrive en ville », explique l’artiste. « Ayant fréquenté l’école occidentale et ayant appris à penser en français, je n’avais pas cherché à regarder au-delà des maigres archives écrites. Quelles sont les archives potentielles et ont-elles toutes été pillées ? En retournant à Banataba, j’ai pris conscience que les traditions continuent d’exister, que malgré le manque de moyens, des gens racontent l’histoire de ce coin du monde à travers leurs sculptures. Comment redonner un peu de souffle à ce feu qui est en train de s’éteindre ? ».
Il s’agit de pénétrer avec mon corps fragile un espace chargé et lourd de sens. Comment me mettre debout au milieu de tout ça ?
De cette réflexion, naît la performance Banataba, d’abord présentée au Metropolitan avant d’atterrir, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts à Tervuren au Musée royal de l’Afrique centrale, fermé pour cause de rénovation et dont la nouvelle scénographie, se voulant dépoussiérée de l’héritage colonial, sera bientôt visible au public. « Une excellente coïncidence », dit Faustin Linyekula.
Dans ce lieu imposant, intimement et tragiquement lié à la colonisation du Congo, abritant des archives et objets ethnographiques d’une valeur inestimable, Faustin Linyekula dansera aux côtés de la Sud-africaine basée à Bruxelles Moya Michael, pour qui il avait imaginé en 2014 le solo The Dialogue Series: IV. Moya. « Il s’agit de pénétrer avec mon corps fragile un espace chargé et lourd de sens. Comment me mettre debout au milieu de tout ça ? Dans ces lieux figés que sont les musées et où l’histoire semble s’être arrêtée, je cherche à ramener des récits d’aujourd’hui. Le temps d’une représentation, je m’interroge sur les conditions d’acquisition des pièces du musée et sur les possibilités d’un dialogue à froid sur ce passé commun de près de 150 ans ».
Si nombre de pièces ethnographiques congolaises continuent de faire briller les collections des grands musées occidentaux, le danseur, dont la compagnie Studios Kabako (tournée vers la danse, le théâtre, la musique et la vidéo) est basée à Kisangani, est bien déterminé à « faire le rêve un peu fou » d’empêcher le patrimoine artistique congolais de prendre le chemin de l’exil. « Vivre et travailler au Congo est une manière de résister à la pensée dominante, et dont il est presque impossible de s’extraire, qu’il n’y a pas de salut possible au Congo. Cela fait 18 ans que les Studios Kabako démontrent que, malgré le contexte extrêmement difficile, il est possible de rêver un avenir à partir du Congo. Nous devons trouver les moyens d’écrire notre histoire à partir d’ici ».
> Banataba. 4 > 7/5, Musée royal de l’Afrique centrale
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