Dans son nouveau spectacle, la chorégraphe belge Lisa Vereertbrugghen fusionne deux genres qu'on aurait pu croire inconciliables, rave et danses folklorique. Et ça marche.
Critique danse: le folklore sous pulsations de Lisa Vereertbrugghen
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Le battement de cœur électronique attire les danseuses comme la lumière attire les papillons de nuit. Elles sont habillées de noir, différentes mais pareilles. La scène, entourée de gradins, ressemble à une place de village éclairée d’une lueur blanche qui tombe de haut.
Au début, les danseuses-performeuses en font le minimum : les jambes surtout, les bras un peu. Elles ont l’air de danser pour elles, chacune dans leur coin, mais elles sont conscientes des autres, de leurs corps dans l’espace. Parfois, elles se rapprochent, se détachent. Le métronome de la musique de Michael Langeder s’intensifie. Comme sur un tapis roulant qui s’accélère sous leurs pas, les mouvements des danseuses suivent et semblent parfois leur échapper.
Cri de ralliement
La lumière qui habille la scène passe du blanc à l’orange, comme dans une rave où les corps deviennent des ombres. Le rythme se nuance, les mouvements aussi. Des effets de miroir apparaissent. Des regards de connivence s’échangent. De brefs cris d’encouragement, de rassemblement.
Le battement de cœur électronique attire les danseuses comme la lumière attire les papillons de nuit.
Depuis 2014, la chorégraphe belge explore, dans ses spectacles et performances, les sons et la danse techno ainsi que leurs multiples hybridations. Après avoir captivé les scènes avec des créations comme Softcore - A Hardcore Encounter (2016), où elle disséquait l’énergie brute du hardcore gabber, et Disquiet (2020), qui s’intéressait aux stimulations du corps au son de la techno hardcore et ses sous-genres (gabber, hardstyle, jungle et drum'n bass), Lisa Vereertbrugghen continue de redéfinir la chorégraphie contemporaine.
Je danse donc je suis
L’humanité n’a pas attendu la rave pour se rassembler et danser. Les gens ont toujours eu besoin de se retrouver pour danser : dans des clairières, sur des places, sur des parkings ou dans des hangars. C’est surtout la musique et les rituels qui ont changé. Dans son dernier spectacle While We Are, la chorégraphe fusionne deux temporalités de la danse, deux rituels, deux dynamiques : ceux de la techno et de la rave, et ceux des danses folkloriques.
Le présent fait danser le passé, et inversement. Les danses folkloriques et leurs mouvements codifiés sont des partitions pour rapprocher les corps et les individus. Entre rigueur et abandon, les cinq performeuses créent une tension hypnotique qui nous fait changer de focale, entre l’individu et le groupe. Comme dans un rondeau final, elles finissent par se rassembler, former un groupe, et laisser échapper une chanson sans âge, qui fait presque disparaître la pulsation électronique. Mais le cœur est plus fort, il ne s’arrête jamais. Comme on ne s’arrêtera jamais de danser ensemble.
Pour ceux qui voudraient prolonger ou goûter à l’expérience chorégraphique de Lisa Verheertbrugghen, et découvrir le hakken, une forme de danse qui a vu le jour dans les rave parties de la scène gabber hardcore, la chorégraphe propose un atelier dont tous les bénéfices seront reversés à la population de Gaza via Medical Aid for Palestinians (MAP). Aucune expérience en danse n’est requise.
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