Margot Brian

Critique théâtre: Magrit Coulon sort l’ennui de la monotonie

Gilles Bechet
14/11/2024

Avec L’Avenir, la dramaturge en pleine ascension Magrit Coulon (révélée avec Home), poursuit son exploration des lieux communs avec une lumineuse évocation de l’ennui, entre mélancolie et burlesque. À voir au Théâtre National.

Ce sont des personnages solitaires, sans nom et sans histoire, qui essaient d’attraper le temps qui passe et se défile en attendant que l’on pose devant eux la prochaine tasse de café fumant. Nous sommes dans un lieu indéfini, dans la salle de réfectoire d’une institution où l’horloge s’est arrêtée, où les paroles sont rares. La scénographie qui joue l’espace évolutif que créent des tentures monumentales en fait un lieu onirique qui tient du purgatoire.

On devine des personnes mises sur pause pour cause de dépression ou de burn-out, des gens qui essaient de recoller leurs morceaux cassés par la vie, des êtres qui ont l’intuition que le monde n’est pas celui qu’ils voient, qu’ils doivent se changer les idées et changer le monde. Mais ce changement se fera à dose homéopathique.

C’est à partir de petites choses du quotidien, le goût du café, un sourire, un morceau de musique et parfois le souvenir du goût d’une cerise qu’ils se sentent exister et reconstruisent un présent, l’avenir on verra plus tard.

LES CORPS PARLENT

Magrit Coulon explique avoir imaginé son spectacle à partir d’échos de l’univers abordé dans son précédent spectacle. Après Toutes les villes détruites se ressemblent et HOME - Morceaux de nature en ruine, L’Avenir est le dernier volet d’une trilogie des lieux communs et de l’épuisement social.

On entre dans la narration impressionniste portée par les corps, les regards et les gestes, comme dans l’ouate d’un présent dilué entre un passé qui s’efface et un avenir qui se dérobe. Si on peut traverser parfois quelques baisses de tension, ce qui est normal pour un spectacle sur l’ennui, l’Avenir n’est pas pour autant un spectacle ennuyeux ou déprimant.

Lumineux et inventif, il est porté par une excellente distribution. Raphaëlle Corbisier, Emmanuelle Gilles-Rousseau, Marianne Hansé, Romain Pigneul, Jules Puibaraud et Claire Rappin maîtrisent la chorégraphie de leurs corps et de leur présence avec un sens de l’économie qui touche souvent au burlesque.

Avec un texte souvent en retrait, ce sont surtout les autres outils du théâtre qui créent la dramaturgie, les corps, les regards, les gestes, la gestion de l’espace et du temps, et encore le travail de la lumière, sans oublier ces chansons sans âge qui émergent quand on ne les attend pas pour souder ces solitudes dans un moment suspendu.

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