Dans la nouvelle série RTBF Pandore, la Bruxelloise Anne Coesens (Duelles, La Trêve, …) incarne Claire Delval, une juge d'instruction emportée dans une spirale politico-judiciaire sur fond de fake news et de manipulations populistes.
Dans la série 'Pandore', Anne Coesens (ici aux côtés de Noureddine Farihi) interprète une juge d’instruction en charge d’un épineux dossier de corruption politique.
Dans le climat tendu qui précède les élections, Bruxelles est secouée par le dénouement d'une enquête pour une affaire de corruption puis par un viol collectif dont est témoin un homme politique ambitieux. Thriller politique ancré dans la réalité bruxelloise, Pandore orchestre la collision de quatre personnages : une juge d'instruction, un politicien, une activiste et une journaliste. Jeux de pouvoir et de mensonges dans les mondes judiciaire, politique et médiatique, cette nouvelle série de la RTBF s'inscrit dans une société belge sous tension où les discours dérivent et la parole raciste se libère. Aux commandes de Pandore, trois femmes, les réalisatrices Savina Dellicour (Tous les chats sont gris) et Vania Leturcq (L'année prochaine) et la comédienne Anne Coesens (Illégal, Duelles ou La Trêve).
Dès le premier épisode de la série, on sent comme une colère qui bouillonne, d'où vient ce sentiment ?
Anne Coesens : À la genèse du projet, il y avait les deux réalisatrices à qui Artemis avait demandé d'écrire un projet et elles m'ont appelé pour me joindre à elles. J'avais dit à Vania que je rêverais de jouer une femme en colère et on est un peu parties de ça. Comme on était trois femmes, il y avait cette envie d'écrire et de mettre en avant des personnages de femmes forts, variés et complexes. Et c'est vrai qu'elles sont toutes en colère, ce n'était sans doute pas une volonté consciente, mais c'est venu comme ça.
Dans Pandore, Bruxelles apparaît comme un personnage à part entière.
Coesens : On avait envie que tout se passe à Bruxelles, c'est notre ville à toutes les trois, c'est là qu'on a grandi, on adore cette ville, son côté foutraque comme dirait Vania où le beau côtoie le laid dans toute cette complexité et ses contradictions, un peu à l'image de nos personnages . On a demandé à Joachim Philippe, notre chef opérateur de filmer Bruxelles comme nous on l'aime, sans rien gommer. Et c'est vrai qu'il filme Bruxelles comme personne.
On n’a pas cherché à charger un parti en particulier. On voulait avant tout dénoncer ce système qui incite les hommes politiques à parfois plus se préoccuper d’être réélus que d’assurer leur mandat
Les différents quartiers filmés servent aussi à définir les personnages.
Coesens : Les événements ont pour cadre le milieu judiciaire et politique, on passe du Palais de Justice, au Parlement et à l'hôpital Saint-Pierre. Tout se retrouve dans un triangle autour des Marolles et on avait aussi envie que nos personnages fassent tout à pied, nous entraînent dans cette ville, arpentent le pavé et nous emmènent dans un Bruxelles populaire et vivant, au contraire de notre homme politique qui fait tout en voiture et qui voit Bruxelles à travers ses embouteillages et ses travaux. Il habite en périphérie et doit toujours entrer et sortir de Bruxelles comme tous ces navetteurs qui ne voient la ville que depuis le volant de leur voiture. Ce sont des réalités différentes d'une même ville.
Vous êtes, pour la première fois, coscénariste, est-ce que ça change quelque chose de jouer un personnage qu'on a soi-même écrit ?
Coesens : Oui, ça change et en même temps, ce sont deux casquettes différentes. Il y a la scénariste et après il y a la comédienne, c'est comme si c'était deux cerveaux. L'un qui contrôle l'écriture et l'autre qui la change pour interpréter le rôle et revenir à un état où on est moins dans le contrôle et on se laisse plus surprendre par ce qui peut arriver ou par ce que donne le partenaire de jeu. Il faut un sas entre l'écriture et le personnage qu'on joue. J'ai toujours travaillé mes rôles longtemps en amont, donc je ne sais pas si je connaissais mieux Claire Delval que mes autres personnages, mais sans doute inconsciemment il doit y avoir quelque chose de plus profond parce que je l'emmène depuis plus longtemps. Ce personnage ne m'a pas quittée pendant presque quatre ans.
Avec son look entre Jane Campion et Patti Smith, Claire Delval assume son âge.
Coesens : Merci pour la référence, ce sont deux femmes que j'adore. Après 50 ans, les femmes ont tendance à disparaître des écrans et on avait envie de mettre en avant un personnage qui assume son âge, et qui assume ses cheveux blancs. Sa peur de vieillir se situe ailleurs que dans le physique, elle se situe plus dans la peur de perdre son énergie, de ne plus vivre les choses avec la même passion, de perdre son acuité et son instinct. Physiquement, c'est une personne qui assume complètement son âge et qui vit avec ce qu'elle est.
Anne Coesens
- 1966, naissance à Bruxelles
- 1990, Premier prix au Conservatoire royal de Bruxelles
- 1997, joue dans Ma vie en Rose d’Alain Berliner et dans la série télé française Brigade spéciale
- 2004, joue dans Demain on déménage de Chantal Akerman
- 2009, joue dans Élève libre de Joachim Lafosse
- 2010, joue dans Illégal d’Olivier Masset-Depasse. Obtient le Magritte de la meilleure actrice en 2011
- 2015, joue dans la série RTBF La Trêve
- 2018, joue dans Duelles d’Olivier Masset-Depasse. Un remake est prévu avec Jessica Chastain et Anne Hathaway
Les séries ont été une riche source d'inspiration pour Pandore ?
Coesens : Oui, on a eu beaucoup de sources d'inspiration. Il y a eu Borgen pour le côté politique et son personnage de femme. The Killing aussi. On a eu aussi I love Dick qui nous a beaucoup inspirées pour la liberté de ton, pour oser quitter un personnage pour partir avec un autre, il y a eu aussi Homeland. On a regardé beaucoup de séries. Ça nous a beaucoup nourries, ça nous a donné des inspirations à chaque fois sur des choses différentes. Ça nous a souvent relancées en nous redonnant de l'énergie, de l'envie, du désir de continuer.
Le politicien mis en cause appartient au PLF, parti libéral francophone, vous n'avez pas peur d'appeler un chat un chat.
Coesens : On parle d'un parti de droite modérée dans lequel il y a un homme politique, Marc Van Dijck, qui dérive vers un extrémisme qui se détache de la ligne de son parti. On voulait parler de ça, de cette immigration et de cette mouvance populiste qu'on voit dans nos sociétés. Quand on a commencé l'écriture de la série en 2016, c'était l'élection de Trump, c'était Orbán, c'était le Brexit. Tout ça nous a beaucoup inspirées parce qu'on avait envie de parler de cette mouvance politique qui n'est pas liée à un parti particulier. Et on l'a mis dans un parti de droite modérée qu'on a appelé Parti Libéral Francophone, parce que c'est de la fiction.
Certains libéraux particulièrement susceptibles pourraient se sentir visés.
Coesens : Chacun y verra ce qu'il a envie d'y voir. Nous, on n'a pas cherché à charger un parti en particulier. On avait envie d'être au cœur de l'humain. On voulait avant tout dénoncer ce système qui incite les hommes politiques à parfois plus se préoccuper d'être réélus que d'assurer leur mandat. Comment s'arrangent-ils avec leur conscience quand on essaie de rameuter l'électorat avec des idées qui ne sont peut-être pas nécessairement les leurs ? Jusqu'où la fin justifie-t-elle les moyens ? C'est de tout ça dont on avait envie de parler.
Si vous deviez retenir une scène ou un moment vécus par votre personnage dans la série, que choisiriez-vous ?
Coesens : Il y en a tellement mais j'ai envie de souligner le rapport de la juge avec son greffier, joué par Vincent Lecuyer. C'est un rôle qui n'a pas beaucoup de texte mais il apporte une dimension formidable. Dans toutes les scènes d'interrogatoires ou celles où la juge travaille, j'ai pu tellement m'appuyer sur le regard et la présence pleins d'humanité de Vincent Lecuyer. C'est une surprise parce que ce n'était pas écrit et c'est venu lors du tournage et ça m'a nourri énormément. Si le personnage de la juge existe, c'est en grande partie par ce que lui a apporté. Et je l'en remercie.
PANDORE
Série diffusée sur la RTBF à partir du 13/2, également disponible sur Auvio, www.rtbf.be
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