"Pendant le confinement, tout le stress a disparu et notre créativité a pris le dessus." YellowStraps a fait passer la pilule du confinement avec Yellockdown, une mixtape sur laquelle les frères de la neo soul ont travaillé avec pas moins de seize musiciens et producteurs nationaux et internationaux. Ce ne sont donc pas les seuls artistes bruxellois à récolter les fruits de leur productivité en ces temps de corona.
YELLOWSTRAPS, LE PARCOURS
2000 Les frères Alban et Yvan Murenzi, nés au Rwanda, s’installent définitivement en Belgique, à Braine-l’Alleud.
2013 Après une expérience dans des groupes de reprises en anglais, une collaboration avec un ami d’enfance, Fabien Leclercq alias Le Motel, est le prélude à leur propre formation neo soul : YellowStraps.
2014 Ils sont proclamés « groupe le plus prometteur » aux Elektropedia Awards.
2015 Leur premier EP Whirlwind Romance est suivi de Mellow et Blame et d’une remise en question de la formation du groupe.
2020 Sur Goldress, les frères se présentent à nouveau comme un duo, confi mé par leur récent Yellockdown Project.
Pendant le confinement, certains artistes ont été plus productifs que jamais. Tous leurs engagements étaient annulés. Même un perfectionniste comme le pianiste Kris Defoort, qui continue à travailler normalement jusqu'au jour de l'échéance, a terminé son nouvel opéra pour La Monnaie (qui allait être reporté d'un an) un mois plus tôt que prévu. Alex Koo, lui aussi, a déclaré dans ces colonnes n'avoir jamais été aussi productif. Peu importe le type de musique. Tout le monde était dans le même bateau. Prenez le jeune talent du rap bruxellois Frenetik, qui a terminé son EP Brouillon pendant la période du confinement. Il a dit que c'était la meilleure année qu'il ait jamais connue. Il avait besoin du bouton pause, enclenché par le coronavirus, pour d'abord se remettre en question et ensuite se concentrer sur ce qu'il pensait être vraiment important. Le titre 'Virus BX-19' est la conséquence directe de ce regard plus lucide. D'autres ont également exprimé leur peur et leur trouble dans des chansons spéciales corona, qu'ils ont diffusées en ligne, car plus que jamais, Internet était la nouvelle norme sociale.
Des petits écrans avec des visages sur l'ordinateur étaient aussi le lot quotidien des frères Murenzi. Après les chansons corona, leur Yellockdown Project est le premier véritable album du lockdown bruxellois. Passer soudainement à la vitesse supérieure – de la déception causée par l'annulation de concerts à une productivité sans précédent – n'a pas été une sinécure. Fin janvier, nous avons vu le duo donner encore un savoureux showcase au C12, où les jeunes se sont volontiers rapprochés de la scène pour ressentir en avant-première le groove soul langoureux de Goldress. Une série de concerts pour la sortie de l'album a suivi en février et début mars, mais à la mi-mars, tout s'est soudainement arrêté. La tournée européenne est tombée à l'eau. "Mais malgré les mesures strictes, nous ne voulions pas rester les bras croisés", explique le chanteur Yvan Murenzi sur Zoom. "Pendant un moment, nous avons pensé que tout notre travail avait été vain, mais nous nous sommes vite repris. Nous avons pensé qu'il serait préférable de continuer à faire et à diffuser de la musique."
Son frère Alban, batteur et guitariste, précise : "Les annulations ont été un coup dur, mais comme tout le monde était dans le même bateau, nous avons su relativiser notre situation. Peu à peu, nous avons également découvert que l'isolement était parfois même un avantage, par exemple lorsqu'on veut joindre des artistes qui seraient trop occupés en temps normal." Et le fait qu'Yvan et Alban n'étaient pas dans la même bulle sociale ne les a pas non plus empêchés de tirer profit de leur temps en confinement. "Nous ne nous sommes pas vus pendant deux mois", dit Yvan, qui vit seul et qui n'a revu son frère, qui vit avec des colocataires, qu'à la mi-mai. Ayant la vingtaine, ils ont la chance d'être habitués à la communication en ligne. "Nous avons travaillé avec les moyens que nous avions à disposition. Les défis et les limites artistiques supplémentaires que nous nous sommes imposés avaient pour but de rendre nos journées aussi intéressantes que possible."
La bulle de la visioconférence
L'un des défis que les frères ont dû relever avec Yellockdown était de travailler avec le plus grand nombre possible d'artistes dont ils sont eux-mêmes fans. Les producteurs, musiciens et chanteurs invités étaient non seulement plus accessibles pendant cette période, mais aussi plus enthousiastes que d'habitude. Yvan parle d'un gros avantage. "Dans la course effrénée d'une sortie d'album, c'est dur de se consacrer à la création de nouvelles musiques", explique-t-il.
"On est constamment distrait. Là, il n'y avait que cette musique, rien d'autre. Pas de sorties le soir. Pas d'amis qui vous proposent d'aller boire un verre. Nous avons pu nous concentrer sur de nouveaux morceaux du matin au soir. Quand on a compris qu'on était dans une situation privilégiée, cela a boosté notre créativité. De plus, tout le monde semblait chercher des projets pour donner un sens à ses journées. Comme nous, les quelques artistes qui ont refusé notre offre de travailler ensemble voulaient profiter de ce moment pour se concentrer sur leur propre matériel (rires). Comme il s'agissait d'une pandémie mondiale, il nous a également été plus facile de mettre en place des collaborations internationales. Par exemple, notre collab avec Jae Luna, qui vit à Los Angeles, s'est très bien passée malgré le décalage horaire. Yellockdown est la preuve qu'il y a toujours de l'espoir et que l'on peut continuer à être créatif dans les moments difficiles, même si le secteur culturel est paralysé par le gouvernement."
Bref, ce n'est pas sans raison qu'on appelle la musique des frères Murenzi de la R&B de chambre. "Au début, l'atmosphère particulière d'une vraie bulle de studio nous manquait avec ce télétravail, mais grâce à nos appels vidéo, nous avons quand même réussi à retrouver une sorte de proximité dans cette société du un-mètre-cinquante, ne serait-ce que parce que tout le monde était dans la même situation et qu'on était ensemble d'une certaine manière."
En français et à l'aise
Un autre défi important que les frères se sont fixé était de terminer chacun des 13 nouveaux titres en 24 heures. "Nous voulions travailler rapidement pour ne pas perdre notre concentration", dit Alban. "Par la suite, il y a eu un peu de mixage, mais les chansons elles-mêmes - les rythmes, les mélodies, les voix - devaient être là en un jour (et une nuit)." Après leur collaboration avec Roméo Elvis, qui a donné une visibilité supplémentaire à la carrière des YellowStraps en 2016, on entend à nouveau Yvan chanter en français à plusieurs reprises. "J'ai effectivement relevé de nouveau ce défi", répond-il. "Ça m'a toujours fait un peu peur, mais maintenant, je le fais sans trop y penser. Si ça avait été pour un album ordinaire, je n'aurais sans doute pas voulu le faire, mais sans objectif prédéfini, j'ai osé le faire. Le fait que les enregistrements se déroulent à l'aise est la plus grande différence avec l'avant-corona. Pendant le confinement, tout le stress a disparu et notre créativité a pris le dessus. Personne pour dire : vous devez faire ceci ou cela. Au contraire, le monde s'est arrêté et ne se souciait pas de ce qu'on faisait. C'était libérateur."
« Les défis artistiques que nous nous sommes imposés avaient pour but de rendre nos journées aussi intéressantes que possible »
La mixtape finale, dont neuf titres sont déjà sortis au printemps sur les plateformes en ligne, contient des featurings avec des artistes des États-Unis, d'Angleterre, de France, des Pays-Bas, d'Allemagne et d'Islande, ainsi que quelques performances locales. Sur 'Something', la collaboration susceptible de devenir un tube avec DVTCH NORRIS et blackwave., la marque de fabrique des deux frères est mise à profit : sans renoncer à leur neo soul langoureuse et mélodique, ils se greffent sans effort sur l'habitat musical de leurs guests.
Depuis fin mars déjà, des clips sur YouTube ont magnifiquement illustré le processus de production. Avec le recul, ils sont non seulement un témoignage vivant de la façon dont les chansons ont été créées, généralement à partir d'un rythme sur lequel les protagonistes inventent une mélodie, mais aussi de la façon dont les frères et leurs invités ont vécu leur confinement : dans le respect des distances sociales, en expérimentant et en dansant sur les quelques mètres carrés entre le bureau, le canapé et la chambre. Dans le clip de 'Closer', le morceau d'ouverture nostalgique enregistré avec Crayon, qu'Yvan et Alban appellent avec 'Something' le "moteur du projet", on peut même entendre les applaudissements de vingt heures pour les soignants.
Finalement, c'est la production de 'Si tu savais', morceau sur lequel Yvan est accompagné par la voix du rappeur bruxellois Swing, qui s'est peut-être la mieux passée. "Cela faisait longtemps aussi qu'on voulait faire une chanson avec lui, mais on n'avait jamais eu le temps de concrétiser", dit Alban. Au début, les frères n'ont pas dit à leurs invités qu'ils travaillaient sur un album, juste qu'ils voulaient échanger de la musique et des idées. "L'idée de sortir un album mixtape n'est arrivée que lorsque la plupart des morceaux étaient déjà terminés", dit Yvan. "On s'est rendu compte que ce serait encore plus amusant de garder un souvenir physique de cette période étrange, un souvenir qu'on retrouverait plus tard en se disant : 'On a quand même fait du bon boulot'" (rires).
Le nom (clin d'œil) Yellockdown était là dès le début. "On sait tout de suite de quoi il s'agit", poursuit Yvan. "Les morceaux en question évoqueront toujours l'atmosphère de cette période particulière, même s'ils n'en parlent pas explicitement. Mes chansons d'amour, en revanche, sont si universelles qu'on peut les appliquer aux relations humaines en général, et donc aussi à la façon dont elles ont été mises sous pression pendant la pandémie."
Après le confinement, les frères ont déjà donné quelques concerts en respectant les mesures anti-corona, et d'autres suivront bientôt. "Mais jouer à distance devant un public masqué est très bizarre. Cela ne change pas tout, mais cela change beaucoup. L'atmosphère est complètement différente. C'est quand même mieux que rien. On s'adapte, mais on espère toujours un retour rapide à la normale."
YELLOWSTRAPS 20/10, 19.30, Botanique, www.botanique.be (livestream + miniconcert)
Sortie de l’album Yellockdown Project sur le label Haliblue Records depuis le 2/10
LES RÉSIDENCES CORONA DONNENT LE TON DES SORTIES MUSICALES
Lorsque les mesures de confinement furent assouplies, un certain nombre de lieux ont ouvert leurs portes pour mener à terme le surplus d'activité créatrice en ces temps de corona. Ces résidences donnent lieu, progressivement, à de nouvelles sorties. Les Ateliers Claus ont accueilli à partir du mois de juin des artistes en résidence. En juillet, le combo expérimental Razen est venu pour un nouveau projet avec le batteur australien Will Guthrie, et le trio d'electronica Bepotel a également enregistré une trentaine de chansons. Le compositeur Ben Bertrand réalise actuellement des enregistrements pour le label maison.
Dans un avenir proche, des résidences d'enregistrement suivront avec le trio de " junk jazz" Schroothoop, le duo expérimental lituano-bruxellois Ugne & Maria et le contrebassiste Soet Kempeneer, qui collaborera avec Bert et Stijn Cools. Kempeneer est également l'un des treize musiciens bruxellois à participer à l'album Come Hang II. Willem Malfliet, du groupe indépendant Woolvs, a créé le concept l'année passée lorsqu'il était lui-même artiste en résidence à VOLTA. Cette deuxième édition a accueilli pendant l'été des talents locaux tels que le batteur Samuel Ber, le bassiste Lennart Heyndels et les chanteuses Nina Kortekaas et Justine Bourgeus pour un "hang" créatif. "Comme la spontanéité et la convivialité sont mises à rude épreuve en ce moment, nous voulions surtout créer du lien", explique Malfliet. L'album et le concert de sortie sont prévus pour janvier.
Le Botanique a également mis sur pied des résidences d'été, chacune se clôturant par un mini-concert en streaming. Pour le collectif de jazz Yôkaï, cela a été le tremplin vers des enregistrements en studio en vue d'un nouvel album. L'objectif est que les résidences d'automne, dont l'apothéose live pourra être suivie par un public restreint, se concentrent davantage sur de nouveaux matériaux. Curieux de savoir ce que cela donnera pour Blu Samu, Bombataz, Charlène Darling, Esinam, Nicolas Michaux, River Into Lake, SKY H1 et YellowStraps.
Werkplaats Walter a orchestré des résidences cet été, en plus des Safe 'N Sounddays le dimanche. En août, Geoffrey Burton, Jeroen van Herzeele, Alain Deval et le proprio Teun Verbruggen ont enregistré un album qui paraîtra sur le label Walter. À venir bientôt les sessions d'Antoine Pierre, en solo et avec Next.Ape, Flat Earth Society & David Bovée et le trio a capella Brussels Vocal Project, qui expérimentera la nouvelle musique du batteur et compositeur américain John Hollenbeck. (TP)
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