'Pourtant pour beaucoup, le non n'est pas une fin en soi mais le début des négociations.' C'est ce qu'écrit La Morrigasm, travailleuse du sexe bruxelloise, dans une nouvelle chronique pour BRUZZ. 'En tant que strip-teaseuse, j'ai des limites très claires.'
En tant que strip-teaseuse, j'ai des limites très claires. Pour ma part, c'est annoncé d'avance: pas de sexe (plus en détails : aucun contact avec les parties génitales, ni les miennes ni les leurs) et je suis plus qu' habitué à poser un refus clair et net, à déplacer des mains baladeuses, à verbaliser un « Non » d'une voix ferme voire à user de la force pour me défendre physiquement.
Pourtant pour beaucoup, le « Non » n'est pas une fin en soi mais le début des négociations. Un seul but : me convaincre d'avoir du sexe avec eux.
Bien sûr que ce n'est pas « tous les hommes » mais ce n'est pas « de temps à autre » non plus. C'est au minimum une fois par nuit et c'est suffisant pour identifier des schémas récurrents.
On en est bien loin dans la déshumanisation quand l'autre en face vous considère comme un goal à marquer ou comme un territoire à conquérir
Ces mécanismes, je n'y suis pas plus confrontée parce que travailleuse du sexe. Je les ai tout autant rencontrés dans ma vie privée. La particularité du strip, c'est que j'interagis sur le terrain de la séduction avec des centaines voire des milliers d'hommes en peu de temps et que donc je dispose d'un échantillon d'analyse suffisant.
Ces techniques sont :
- Offrir plus d'argent (ou des cadeaux)
- L'usure : ils laissent passer un peu de temps et retentent plus tard. Les plus acharnés peuvent y passer des heures voire toute la nuit (oui, pendant 8 heures).
- L’émotionnel : généralement ils commencent par subtilement nouer un lien de confiance puis ça glisse vers la culpabilisation.
- Les substances administrées de manière plus ou moins consciente (faire boire de l'alcool) ou à l'insu (drogue, soumission chimique).
A mon sens, le moins dangereux reste le marchandage. Généralement ces clients tentent simplement une négociation transparente et si je refuse leur offre, ils en restent là.
Les plus pervers sont ceux qui distillent un cocktail des trois dernières techniques. Typiquement, ce sont les « gentlemen » les plus respectueux qu'ils soient aux premiers abords puis qui déplient leur toile petit à petit et s'ils le font avec une travailleuse qu'ils connaissent depuis quelques heures voire quelques minutes, on peut être certain qu'ils en abusent dans leur vie privée.
Une autorité supérieure
La vérité c'est que ces hommes comprennent parfaitement le « Non ». Seulement, ils considèrent que quelque chose les autorise à outrepasser ce refus. Non pas le fait qu'ils me paient, car encore une fois j'ai tout autant rencontré ces comportements dans ma vie privée.
Simplement, ils considèrent qu'il y a une autorité supérieure à la volonté des femmes qui leur donne accès à nos corps.
Le but n'est pas le plaisir de l'autre mais le « défi à relever ». La conquête.
Réussir à extorquer du sexe à quelqu'un qui a dit « non », c'est « gagner ».
On en est bien loin dans la déshumanisation quand l'autre en face vous considère comme un goal à marquer ou comme un territoire à conquérir.
Ma solution ? Clairement, je n'ai pas le pouvoir de les changer avec une discussion. Alors étant donné qu'ils me contraignent à les rencontrer sur un champ de bataille, je leur tiens tête en tant qu'envahisseurs. Je tiens fermement mes barricades. C'est-à-dire: ne jamais céder.
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