VOTRE QUESTION. D'où vient le nom Matongé?

Matongé, le quartier bigarré et dynamique à la Porte de Namur, est le coeur africain de Bruxelles. Dans ce quartier, Congolais, Rwandais, Burundais ou encore Malinais se rencontrent, font leurs courses, sortent et vont à l'église ensemble. Mais d'où vient le nom "Matongé", se demande Simon de Saint-Gilles?

Karel Arnaut, professeur en anthropologie à la KU Leuven, a longtemps vécu à Matongé et connaît très bien le quartier. Selon lui, la présence africaine trouve ses origines dans l'époque de Léopold II. "Le Roi ne pouvait pas administrer l'Etat Indépendant du Congo depuis le palais car il s'agissait de sa propriété privée. Il a donc décidé, au début du 20e siècle, de construire un chalet derrière le palais. Le pavillon en bois dans la rue Brederode est encore là."

Dans les environs se sont établis toutes sortes d'associations et banques coloniales, et le quartier s'est agrandi en direction de la Porte de Namur. Dans les années 1950, une vie nocturne à l'africaine s'est développé, avec des boîtes de nuit et des cafés jazz. Après l'indépendance en 1960, des étudiants et diplomates africains se sont installés dans le quartier. "Ils ont ouvert des magasins, toute une infrastructure africaine s'y est développée."

A cette époque, le quartier n'avait pas encore de nom particulier, mais cela a changé dans les années 70. Arnaut: "A Kinshasa, le grand quartier nocturne Renquin, du nom du ministre belge des Colonies, a été rebaptisé en Matongé dans le cadre de la politique d'authenticité du président Mobutu. Matongé était le nom d'une plante locale."

Très rapidement, le nom a aussi fait son entrée à Bruxelles. Mais c'est seuelement après les élections de 2000 que les instances publiques ont commencé à utiliser le nom pour désigner le quartier. "Dans les années 90, le bourgmestre d'Ixelles Yves de Jonghe d'Ardoye a mené une poltique plutôt répressive dans le quartier. Il y avait régulièrement des tensions. C'était dû au changement de population: pendant des années, on y trouvait surtout l'élite congolaise, mais après la chute de Mobutu dans les années 90, des demandeurs d'asile africains y affluaient en masse, à la recherche d'une meilleure vie."

La nouvelle coalition des socialistes, écolos et chrétiens-démocrates à Ixelles après 2000 a décidé de changer de stratégie: plus de répression, mais la reconnaissance. "Le nom 'Matongé' avait aussi été plus ou moins officialisé et commençait à apparaître dans des documents de la police et de la commune. Un arrêt de la STIB a aussi reçu le nom."

L'année passée, le nom avait soudainement été mis sous pression. Une association de commerçants, surtout de la rue Saint-Boniface, voulait rebaptiser le quartier en Quartier des Continents. Arnaut: "De cette manière, ils espéraient se débarrasser de la connotation négative de Matongé, avec la drogue et la criminalité." Pendant un bref instant, on a cru que la bourgmestre Dufourny marquerait son accord, mais après des manifestations violentes de la communauté africaine, il apparaissait clairement que le changement de nom n'était pas une option. Plus encore, elle a mis une procédure en route pour rebaptiser la Galerie d'Ixelles en Galerie Matongé."

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